Métrique en Ligne
VER_20/VER1
Paul VERLAINE
PREMIERS VERS
1858-1869
LA MORT
À Victor Hugo.
Telle qu’un moissonneur, dont l’aveugle faucille 12
Abat le frais bleuet, comme le dur chardon, 12
Telle qu’un plomb cruel qui, dans sa course, brille, 12
Siffle, et, fendant les airs, vous frappe sans pardon ; 12
5 Telle l’affreuse mort sur un dragon se montre, 12
Passant comme un tonnerre au milieu des humains, 12
Renversant, foudroyant tout ce qu’elle rencontre 12
Et tenant une faulx dans ses livides mains. 12
Riche, vieux, jeune, pauvre, à son lugubre empire 12
10 Tout le monde obéit ; dans le cœur des mortels 12
Le monstre plonge, hélas ! ses ongles de vampire ! 12
Il s’acharne aux enfants, tout comme aux criminels : 12
Aigle fier et serein, quand du haut de ton aire 12
Tu vois sur l’univers planer ce noir vautour, 12
15 Le mépris (n’est-ce pas, plutôt que la colère) 12
Magnanime génie, dans ton cœur, a son tour ? 12
Mais, tout en dédaignant la mort et ses alarmes, 12
Hugo, tu t’apitoies sur les tristes vaincus ; 12
Tu sais, quand il le faut, répandre quelques larmes, 12
20 Quelques larmes d’amour pour ceux qui ne sont plus. 12
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