Métrique en Ligne
VER_19/VER895
Paul VERLAINE
Hombres (hommes)
1891
I
Ô ne blasphème pas, poète, et souviens-toi. 12
Certes la femme est bien, elle vaut qu’on la baise, 12
Son cul lui fait honneur, encor qu’un brin obèse 12
Et je l’ai savouré maintes fois, quant à moi. 12
5 Ce cul (et les tétons) quel nid à nos caresses ! 12
Je l’embrasse à genoux et lèche son pertuis 12
Tandis que mes doigts vont, fouillant dans l’autre puits 12
Et les beaux seins, combien cochonnes leurs paresses ! 12
Et puis, il sert, ce cul, encor, surtout au lit 12
10 Comme adjuvant aux fins de coussins, de sous-ventre, 12
De ressort à boudin du vrai ventre pour qu’entre 12
Plus avant l’homme dans la femme qu’il élit, 12
J'y délasse mes mains, mes bras aussi, mes jambes, 12
Mes pieds. Tant de fraîcheur, d’élastique rondeur 12
15 M’en font un reposoir désirable où, rôdeur, 12
Par instant le désir sautille en vœux ingambes. 12
Mais comparer le cul de l’homme à ce bon cu, 12
À ce gros cul moins voluptueux que pratique 12
Le cul de l’homme fleur de joie et d’esthétique 12
20 Surtout l’en proclamer le serf et le vaincu, 12
« C’est mal », a dit l’amour. Et la voix de l’Histoire : 12
Cul de l’homme, honneur pur de l’Hellade et décor 12
Divin de Rome vraie et plus divin encor, 12
De Sodome morte, martyre pour sa gloire. 12
25 « Shakspeare, abandonnant du coup Ophélia, 12
Cordélia, Desdémona, tout son beau sexe 12
Chantait en vers magnificents — qu’un sot s’en vexe — 12
La forme masculine et son alleluia. 12
« Les Valois étaient fous du mâle et dans notre ère 12
30 L’Europe embourgeoisée et féminine tant 12
Néanmoins admira ce Louis de Bavière, 12
Le roi vierge au grand cœur pour l’homme seul battant. 12
« La Chair, même, la chair de la femme proclame 12
Le cul, le vit, le torse et l’œil du fier Puceau, 12
35 — Et c’est pourquoi, d’après le conseil à Rousseau, 12
Il faut parfois, poète, un peu « quitter la dame ». 12
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