Métrique en Ligne
VER_18/VER759
Paul VERLAINE
INVECTIVES
1896
XLVII
COGNES ET FLICS
AUTREFOIS j’aimais les gendarmes. 8
Drôle de goût, me direz-vous… 8
Enfin je leur trouvais des charmes, 8
Non certes au-dessus de tout, 8
5 Mais je les gobais tout de même, 8
Comme on prise de bons enfants. 8
Élite de l’armée et crème 8
Et fleur, ils m’étaient triomphants ! 8
Leurs baudriers et leurs bicornes, 8
10 Si bien célébrés par Nadaud, 8
D’une sécurité sans bornes 8
Flattaient mon âme de badaud. 8
Puis, ils lampent le petit verre 8
Avant comme après le repas 8
15 D’un geste plus ou moins sévère 8
Et je ne le détestais pas. 8
Je trinquais avec des brigades, 8
Et nous buvions à nos amours. 8
Comme il sied avec des troubades, 8
20 C’était moi qui payais toujours… 8
Depuis je constate avec peine 8
Qu’ils sont des rosses vous dressant 8
Procès-verbal à perdre haleine, 8
Quand ils jugent le cas pressant. 8
25 La douille manque à la caserne. 8
Or voici, grâce à tels délits, 8
Qu’ils fabriquent d’un style terne, 8
Les budgets qu’il faut, rétablis. 8
A moi, les chouias, les macaches ! 8
30 Désormais je me voue au chant 8
National de « Mort aux vaches ! » 8
Fussé-je pris pour un méchant… 8
Comme aussi les sergents de ville : 8
J’avais un estime pour eux 8
35 Protecteurs de la paix civile, 8
De l’ordre gardiens valeureux, 8
Rempart du Bien, terreur du Crime, 8
Ils me semblaient, naïveté ! 8
Une apparition sublime 8
40 D’anges veillant sur la cité… 8
Hélas ! c’est encor : « Mort aux vaches ! » 8
Qu’il faut crier quand on les voit. 8
Massacreurs féroces et lâches, 8
Mouchards, n’on point maquereaux, soit 8
45 Mais tout comme, ivrognes qu’indure 8
Plus d’un rogomme monstrueux… 8
Et le héros se dénature 8
En un drôle imperpétueux. 8
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