Métrique en Ligne
VER_16/VER680
Paul VERLAINE
ÉPIGRAMMES
1894
XVI
V
Mons.
Je revois, quasiment triomphal, 9
La ville où m’attendaient ces mois d’ombres 9
Mon malheur était lors sans rival, 9
Mes soupirs, qui put compter leur nombre ? 9
5 Je revois, quasiment triomphal, 9
Ces murs qu’on avait cru d’oubli sombre. 9
Le train passe, blanc panache en l’air, 9
Devant la rougeâtre architecture 9
Où je vécus deux fois en hiver 9
10 Et tout un été… sans aventure, 9
Le train passe, blanc panache en l’air, 9
Avec moi me carrant en voiture. 9
Sans aventure, ah ! oui, ces hivers 9
Et cet été ! D’aventure, aucune ! 9
15 Moi qui les aime à titres divers, 9
En plein scandale ou bien sous la lune. 9
Sans aventure, ah ! oui, ces hivers 9
Et cet été ! La morte infortune ! 9
– Ingrat cœur humain ! mais souviens-toi, 9
20 Gentleman improvisé qui files. 9
Mais souviens-toi donc : ici la Foi 9
T’investit, loin du péché des villes. 9
Ingrat cœur humain ! mais souviens-toi 9
Qu’ici la Foi but tes larmes viles. 9
25 Le train passe et les temps sont passés, 9
Mais je n’ai pas oublié la bonne, 9
La grande aventure, et je le sais 9
Que Dieu m’a béni plus que personne. 9
Le train passe et les temps sont passés, 9
30 Mais l’heure de grâce reste et sonne. 9
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