Métrique en Ligne
VER_15/VER490
Paul VERLAINE
DÉDICACES
1890
XCVI
A PH…
LE petit chien est mort. Quel dommage ! il était 12
Si gentil ! Blanc pur que du jaune tachetait, 12
D’un jaune on eût dit d’or brunissant. Sa gueugueule 12
Et son nénez, roses tous deux, semblaient la seule 12
5 Chose vivante en lui ; car son corps trop dodu 12
Ne rendait pas le mouvement qui semblait dû 12
A cet être qu’un charme spécial décore ; 12
Quant à sa queue, elle était bien trop jeune encore 12
Pour rire ou pour pleurer, pour frétiller, enfin, 12
10 De joie ou de chagrin, ou de soif ou de faim. 12
Il piaulait, je dirais mieux miaulait, même 12
Piaillait, tant son cri formait la voix suprême 12
De l’animal dans son innocence, oiseau, chat ; 12
Mais du chien proprement, rien qui s’en rapprochât 12
15 Qu’un grêle, si l’on veut aboiement plus semblable 12
Au chant du colibri dans la forêt d’érable. 12
Il nous léchait, le pauvre aveugle encore un peu, 12
De sa langue imperceptible, quand, d’instinct, comme 12
D’une flèche soudaine, il roula, chétif être, 12
20 Ses yeux tournés vers sa maîtresse et vers son maître, 12
Et mourut, nous presque pleurant, tout blancs, tout sots, 12
Ses pattes frêles en l’air, comme les oiseaux. 12
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