Métrique en Ligne
VER_15/VER486
Paul VERLAINE
DÉDICACES
1890
XCII
A LA MÊME
II
OUI, soyons-nous poète et muse 8
Mais dans le mode familier, 8
Nous avons passé le millier 8
Des heures jeunes où l’on ruse 8
5 Pour faire croire aux bonnes gens 8
Dont on est le premier soi-même. 8
Qu’on n’aime en tout ça que l’extrême ! 8
Fiers, paradoxaux, exigeants. 8
La vie avec sa vraie outrance 8
10 A pris soin de nous corriger 8
Du travers de nous rengorger, 8
Ne nous laissant de l’espérance 8
Rien que la simple illusion 8
D’être un couple encore sensible 8
15 Et ne livrant à notre cible 8
Qu’un but, la résignation ! 8
Ce lot est préférable en somme. 8
A des appétits qu’il est bon, 8
Toi, veuve au fait, moi ce barbon, 8
20 De régler de sorte économe. 8
Profitons, puisqu’il en est temps – 8
De cette sagesse dont rage 8
Qui vient dote notre ménage. 8
Pour faire œuvre de pénitents ? 8
25 Que non pas ! Fîmes-nous des crimes ? 8
Pas mal de péchés voilà tout. 8
De ces péchés légers qu’absout 8
Le seul pardon de leurs victimes, 8
Et leurs victimes ce fut nous, 8
30 De ces victimes sans rancune. 8
Toi, reste encor longtemps ma brune. 8
Toujours la bonne qu’à genoux 8
Invoquent mes instants de doute, 8
De tristesse ou de désespoir, 8
35 Mon étoile dans le ciel noir, 8
L’auberge fraîche en l ’âpre route. 8
Moi devenu calme – ce n’est 8
Pas malheureux, car tant de frasques, 8
Et de rôles, sous que de masques ! – 8
40 Je suis celui qui ne connaît 8
Et ne chante plus que les choses, 8
Et l’humanité qu’il convient. 8
La vérité seule me tient, 8
Soient ses aspects sombres ou roses. 8
45 Mes vers épris dorénavant, 8
De la raison mais de la saine 8
Ne déclameront plus en scène… 8
Ils vivront dans tout cœur vivant. 8
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