Métrique en Ligne
VER_14/VER637
Paul VERLAINE
DANS LES LIMBES
1894
III
O tes manières de venir ! J’y mets du mien 12
Aussi, mais toi, que c’est gentil quand c’est du tien ! 12
Oui, tes manières de t’y prendre pour venir 12
Me voir et m’étonner à ne plus en finir. 12
5 C’est tous les jours et du charmant et du nouveau. 12
Sans cesse en équilibre et jamais de niveau. 12
Hier je te voyais, derrière mon palier, 12
Descendre vivement le premier escalier 12
Pour remonter le mien de ton pas net et preste 12
10 M’apercevant alors, quel prompt, quel joli geste 12
De sembler retourner, pour ne faire que mieux 12
Et mon plaisir et mon bonheur de pauvre vieux 12
Encore vert en me sautant si fort, exprès, 12
Au cou, que j’en palpite très longtemps après 12
15 D’un tel bonheur, et, sarpejeu ! de quel plaisir ! 12
Aujourd’hui, comme tu tardais, moi de saisir 12
Ma plume, et la laissant débridée, et tournant 12
Le dos à la porte d’entrée, ô l’étonnant 12
Aspect, de travailler pupitrant mon lit même, 12
20 Encre, buvard, papier tout à quelque poème, 12
Quand soudain je sens un baiser comme un acier 12
Que, traîtresse, en mon cou tu plonges tout entier ; 12
Et moi, je te le rends sur le cou par devant 12
Au lieu de par derrière ainsi qu’auparavant. 12
25 Question de position, – gosse, gamin – 12
Demain ce sera mieux encore, après demain 12
Mieux encor.
O petits, bonheurs de mon malheur !
C’est peut-être après tout ce qu’il est de meilleur, 12
Et j’oublie en ces jeux la volupté brutale, 12
30 Bonne certes, mais moins, qui sait ? que l’idéale. 12
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