Métrique en Ligne
VER_12/VER612
Paul VERLAINE
ODES EN SON HONNEUR
1893
XVI
Je ne suis pas jaloux de ton passé, chérie, 12
Et même je t’en aime et t’en admire mieux. 12
Il montre ton grand cœur et la gloire inflétrie 12
D’un amour tendre et fort autant qu’impétueux. 12
5 Car tu n’eus peur ni de la mort ni de la vie, 12
Et jusqu’à cet automne fier répercuté 12
Vers les jours orageux de ta prince beauté, 12
Ton beau sanglot, honneur sublime, t’a suivie. 12
Ton beau sanglot que ton beau rire condolait 12
10 Comme un frère plus mâle, et ces deux bons génies 12
T’ont sacrée à mes yeux de vertus infinies 12
Dont mon amour à moi, tout fier, se prévalait 12
Et se targue pour t’adorer au sens mystique : 12
Consolations, vœux, respects, en même temps 12
15 Qu’humbles caresses et qu’hommages ex-votants 12
De ma chair à ce corps vaillant, temple héroïque 12
Où tant de passions comme en un Panthéon, 12
Rancœurs, pardons, fureurs et la sainte luxure 12
Tinrent leur culte, respectant la forme pure 12
20 Et le galbe puissant profanés par Phaon. 12
Pense à Phaon pour l’oublier dans mon étreinte 12
Plus douce et plus fidèle, amant d’après-midi, 12
D’extrême après-midi, mais non pas attiédi 12
Que me voici, tout plein d’extases et de crainte. 12
25 Va, je t’aime… mieux que l’autre : il faut l’oublier, 12
Toi, souris-moi du moins entre deux confidences, 12
Amazone blessée ès belles imprudences 12
Qui se réveille au sein d’un vieux brave écuyer. 12
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