Métrique en Ligne
VER_12/VER610
Paul VERLAINE
ODES EN SON HONNEUR
1893
XIV
Nous sommes bien faits l’un pour l’autre ; 8
Pourtant quand tu me rencontras 8
Menant mes derniers embarras 8
D’homme grave et de bon apôtre, 8
5 Ruine encore de chrétien, 8
Philosophé déjà païen, 8
Lourd de doctrine et de scrupule, 8
(Le tout un peu décomposé) 8
Mais au fond très bien disposé 8
10 Pour la popine et la crapule, 8
En un mot, sot entre les sots 8
De cette sorte de puceaux, 8
T’eus quelque mal à la conquête, 8
– Et par ce mot que j’ai voulu 8
15 J’entends ton triomphe absolu, – 8
Sinon de mon cœur, de ma tête ; 8
Je ne parle pas de mon corps 8
Vaincu dès les primes abords. 8
Mais comme nous sympathisâmes 8
20 Dès nos esprits mis en rapport 8
Et dès lors quel parfait accord 8
Entre ces luronnes, nos âmes, 8
Ces luronnes et nos lurons 8
D’esprits tout carrés et tout ronds ! 8
25 Toi simple encor, que compliquée, 8
Et moi naïf aux cents replis, 8
Notre expérience des lits 8
Et notre ignorance marquée 8
En fait de sentiment subtil, 8
30 Tout ce nous rendait que gentils 8
L’un à l’autre ! en dépit, par crises, 8
De colères bien vite au trot, 8
D’humeurs noires, roses bientôt, 8
Et, mon Dieu, d’un tas de sottises 8
35 Qu’on réparait, pour r’apaiser 8
Madame et Monsieur, d’un baiser ! 8
C’est de persévérer, petite ! 8
C’est, chère, de continuer, 8
Quittes à parfois nous tuer 8
40 Pour nous ressusciter ensuite, 8
C’est de rester à deux, vraiment, 8
Bon cœur et mauvais garnement. 8
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