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VER_12/VER600
Paul VERLAINE
ODES EN SON HONNEUR
1893
IV
La sainte, ta patronne, est surtout vénérée 12
Dans nos pays du Nord et toute la contrée 12
Dont je suis à demi, la Lorraine et l’Ardenne. 12
Elle fut courageuse et douce et mourut vierge 12
5 Et martyre. Or il faut lui brûler un beau cierge 12
En ce jour de ta fête et de quelque fredaine 12
De plus, peut-être, en son honneur, ô ma païenne ! 12
Tu n’es pas vierge, hélas ! mais encore martyre 12
Non pour Dieu, mais pour qui te plut. (Qu’ont-ils à rire ?) 12
10 A cause de ton cœur saignant resté sublime. 12
Courageuse, tu l’es, pauvre chère adorée, 12
Pour supporter tant de douleur démesurée 12
Avec cette fierté qui pare une victime. 12
Avec tout ce pardon joyeux et longanime. 12
15 Et douce ? Ah oui ! malgré ton allure si vive 12
Et si forte et rude parfois. Douce et naïve 12
Comme ta voix d’enfant aux notes paysannes. 12
Douce au pauvre et naïve envers tous et que bonne 12
Sous un dehors souvent brutal qui vous étonne, 12
20 Vous, les gens, mais dont j’ai vite su les arcanes ! 12
Douce et bonne et naïve, âme exquise qui planes 12
Au-dessus de tout préjugé bête ou féroce, 12
Au-dessus de l’hypocrisie et du cant rosse 12
Et du jargon menteur et de l’argot fétide 12
25 Dans la région pure où la haine s’ignore, 12
Où la rancune expire, où l’amour pur arbore 12
Sur la blancheur des cieux sa bannière candide. 12
O résignation infiniment splendide. 12
En ce jour de ta fête et malgré nos frivoles 12
30 Préoccupations moins coupables que folles 12
De baisers redoublés pour le cas, et l’antienne 12
Plus gentille encor qu’excessive des mots lestes, 12
Recueillons-nous pourtant, pensons aux lins célestes 12
Afin qu’après ma mort ou, las ! après la tienne, 12
35 Le survivant pour l’absent prie, ô ma chrétienne ! 12
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