Métrique en Ligne
VEN_1/VEN98
Henri VENDEL
Chants du couvre-feu
1945
POÈMES DE LA PRISON
NAUFRAGE
A François MAURIAC.
Est-ce vous qui m'avez, Seigneur, 8
de vos douces mains, dépouillé ? 8
Des candeurs calmes du bonheur 8
il ne reste, en ces jours brouillés, 8
5 que le deuil au fond de moi-même. 8
Quelle tempête, sur les mers, 8
dispersa les ombres que j'aime ? 8
Mes plaies brûlées d'un sel amer, 8
je suis nu comme un naufragé 8
10 qui n'a que son cœur et sa peine, 8
nu comme un arbre du verger 8
que l'hiver mordit jusqu'aux veines. 8
Où sont mes livres et mon chat ? 8
où les présences bien-aimées, 8
15 la joie des rues qui me cacha 8
la course brève des années ? 8
Tout a fui. Les plus pauvres gueux, 8
du moins ont-ils leur part de vent ! 8
Si je vous demande autant qu'eux, 8
20 voyez mon âme et son tourment. 8
Donnez-lui force, liberté, 8
ou, s'il le faut, la patience 8
d'un oiseleur et le secret 8
d'apprivoiser cette souffrance. 8
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