Métrique en Ligne
VDS_1/VDS10
corpus Pamela Puntel
Ali-Joseph-Augustin VIAL DE SABLIGNY
LES GRAINS DE POUDRE
1871
PARIS BRÛLÉ
A quelle triste époque en sommes-nous hélas ! 12
Et quel gouffre profond s'est ouvert sous nos pas ! 12
N'était-ce pas assez d'une première lutte 12
Où la France, râlant, tombait de chute en chute ? 12
5 Fallait-il entre nous mettre le désaccord 12
Et de nos propres mains aggraver notre sort ? 12
Fallait-il, en un mot, pauvres tous que nous sommes, 12
Au rang des animaux descendre, nous, des hommes, 12
Des frères, des amis, destinés à s'aimer, 12
10 A se tendre les bras, non à se décimer. 12
Oh ! la guerre civile ! abominable chose ! 12
Vrai présent de Satan, que de maux elle cause ! 12
Que, d'effroi, de tourments elle jette en nos cœurs ! 12
Que de sang répandu, de victimes, de pleurs ! 12
15 Qu'a-t-on fait de Paris, de la ville merveille 12
Qui dans tout l'univers n'avait pas sa pareille ? 12
Que sont-il devenus tous ces beaux monuments 12
Qui de la capitale étaient les ornements ? 12
Une aveugle fureur, une indicible rage 12
20 Ont fait passer sur eux le niveau du ravage ? 12
Un terrible fléau, le feu, les a détruits, 12
Abîmés, renversés en moins de quelques nuits ! 12
Regardez, les voilà ! qu'en reste-t-il ? la place, 12
Où d'un doux souvenir on cherche en vain la trace ! 12
25 On n'a rien respecté ! Partout de noirs débris, 12
Des décombres fumants, voilà, voilà Paris, 12
Paris, temple des arts, entre de la science 12
Paris, fils du Progrès et de l'intelligence ! 12
Au milieu des obus qui sifflaient en passant, 12
30 Nous avons vu le ciel s'empourprant, s'embrasant ! 12
Sur dix points à la fois s'allumait l'incendie ! 12
Sur dix points à la fois, l'horrible tragédie 12
Déroulait ses tableaux qui faisaient frissonner ! 12
Un pendant de Moscou qu'on voulait nous donner ! 12
35 Nous avons vu monter ces rouges banderolles, 12
Des funestes combats affreuses girandoles, 12
Broyant dans leurs baisers et le marbre et le fer ! 12
On aurait pu se croire au milieu de l'enfer. 12
Nous avons vu jaillir des bouquets d'étincelles 12
40 Entraînant des torrents de fumée avec elles ! 12
Nous ayons entendu les murailles craquer 12
Sous l'effort de la flamme et puis se disloquer ! 12
Nous avons entendu crouler les édifices 12
Et nous avons gémi sur tant de sacrifices ! 12
45 Nous avons entendu des cris de désespoir, 12
Des appels déchirants qu'on ne peut concevoir ! 12
Les foyers sont éteints, la cendre est refroidie !… 12
Mais la misère est là, derrière l'incendie ! 12
Il fallait, au matin, voir ces infortunés 12
50 Contempler l'œil hagard, leurs logis ruinés ! 12
C'était tout leur amour, leur bonheur, leur richesse, 12
Le fruit de leurs labeurs, l'appui de leur vieillesse ! 12
C'est à nous, que le ciel a sauvés du danger 12
Qu'il convient aujourd'hui d'aider, de protéger 12
55 Ceux qui n'ont plus d'abri pour reposer leur tête ! 12
Réparons les dégâts produits par la tempête ! 12
A force de courage, à force de vigueur 12
Il faut rendre à Paris son antique splendeur. 12
Paris doit, en dépit des revers, des désastres, 12
60 Briller comme un soleil au premier rang des astres. 12
Paris est immortel ; il doit, phénix nouveau, 12
Renaître de sa cendre, et plus grand et plus beau. 12
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