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Guillaume le Pieux, franchissant la frontière |
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Du pays des héros, leva sa tête altière |
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Et parla comme suit : « Écoutez-moi, Français, |
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Ma présence en ces lieux, mes éclatant succès, |
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Prouvent que je combats pour une cause sainte, |
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Que le ciel est pour moi. Pourtant soyez sans crainte. |
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Mes soldats sont instruits, civilisés, chrétiens, |
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Ils ne troubleront pas la paix des citoyens ; |
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Sous le rustique toit, dans les maisons des villes, |
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Les femmes, les vieillards, peuvent dormir tranquilles. |
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Je le jure aujourd’hui, sur mon royal honneur, |
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Je n’en veux pas à vous, mais à votre empereur. » |
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Hélas ! malgré son rang, malgré son auréole |
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De vertu, le vieux roi ne tient pas sa parole, |
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Avec indifférence il marche dans le sang, |
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Et chaque jour, chaque heure, immole l’innocent. |
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Un soir de deuil, mais non par manque de vaillance, |
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Mornes, désespérés, les soldats de la France |
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Se rendent aux Prussiens. Par le chef du pays, |
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Ou par leurs généraux, ils ont été trahis. |
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Dans le camp des vainqueurs l’on est dans le délire |
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D’avoir si promptement anéanti l’Empire. |
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C’est très-bien ! Mais, là-bas, quelle est cette lueur ? |
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C’est Bazeilles qui brûle. Et ces cris de douleur ? |
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Et ces gémissements ? Ces cris sont ceux des femmes |
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Qu’un général poursuit jusqu’au milieu des flammes, |
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Et ces gémissements sont ceux des gens âgés |
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Qui sont par l’ennemi lâchement égorgés. |
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Et cette fusillade ? Ah ! ce sont de vieux braves |
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S’amusant à tuer, cachés au fond des caves |
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Par l’amour maternel, de tout petits enfants. |
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Les Germains, on le voit, partout sont triomphants ; |
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Comme ceux de Failly, leurs fusils font merveille : |
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Aussi bientôt, hélas ! du florissant Bazeille |
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Il ne reste plus rien. Sous des débris fumants |
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Se trouvent inhumés un millier d’habitants. |
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Il est minuit passé. Dans ce grand cimetière |
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Un rustre vit encor ; humide est sa paupière, |
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Car il a vu tomber, sous le fer des Prussiens, |
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Ses amis les plus chers, ses enfants, tous les siens. |
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Il pleure, et cependant un penser le console : |
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Il a fait son devoir et tenu sa parole. |
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Ce simple paysan a montré les vertus |
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D’un guerrier : grâce à lui cent Prussiens ne sont plus, |
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Mais un éclair soudain dans l’obscurité brille, |
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Une balle siffle, et… le paysan vacille : |
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« Enfin ! enfin ! dit-il, mon tour devait venir, |
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Adieu, ma chère France ! Espère en l’avenir. » |
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