Métrique en Ligne
VCL_1/VCL5
corpus Pamela Puntel
Henri VALLON-COLLEY
LA PRUSSIADE
OU
LES HAUTS FAITS DE GUILLAUME Ier
ET DE SES ALLIES EN FRANCE 1870-1871
1870-71
Douze poëmes par un Suisse
1871
UN CŒUR RECONNAISSANT
OU
MASSACRE D’UNE AMBULANCE PAR LES PRUSSIENS
Monsieur le médecin-major Morin a reçu
deux coups de crosse de fusil sur la tête ;
un officier lui a tiré un coup de revolver
et les lâches l’ont tué à coups de baïonnette.
Signé : Le lieutenant.colonel,
commandant la 3e légion des gardes nationaux
mobilisés de Saône-et-Loire
I
L’astre-roi ne luit plus ; les mystérieux voiles 12
De la nuit sont tombés, d’innombrables étoiles 12
Brillent au firmament : c’est un beau soir d’été. 12
L’éther est radieux, mais l’air est empesté. 12
5 Les pampres des coteaux, les fleurs de la vallée, 12
Ont vu, durant deux jours, une affreuse mêlée. 12
De cadavres gaulois, de cadavres germains, 12
Les collines, les champs, les vignes, les chemins, 12
Sont jonchés. Les chevaux à la folie humaine 12
10 Ont payé leur tribut dans la sanglante arène : 12
Au milieu des débris, parmi les corps hachés 12
De leurs maîtres, ils sont par rangs nombreux couchés. 12
Sous un arbre étendu, un noble de la garde 12
Du despote Guillaume avec soupçon regarde 12
15 Un médecin français qui lui sonde le bras : 12
« Je vois, dit le docteur, que vous ne m’aimez pas. 12
Avec acharnement vous combattez la France ; 12
C’est douloureux pour moi, mais ayez confiance 12
Sinon en mon talent, en mon habilité, 12
20 Du moins en mon bon cœur, en on humanité.» 12
Et, généreusement, l’homme de l’art pratique 12
Envers son ennemi le précepte biblique, 12
Précepte que suivra toujours un vrai chrétien : 12
« A celui qui te hait pardonne et fais du bien. » 12
25 Le pansement fini, le docteur se retire, 12
Laissant près du blessé deux anges au sourire 12
Tout immatériel, deux anges de bonté, 12
Anges de dévoûment, deux sœurs de charité. 12
II
Cinq mois se sont passés depuis cette journée, 12
30 Cinq mois témoins encor d’une lutte acharnée. 12
La jeune République a prouvé sa valeur, 12
Mais de l’aigle prussien n’a pu percer le cœur. 12
Quelques détachements de la garde mobile, 12
Avec des francs-tireurs, occupent Hauteville. 12
35 Dans le village règne un silence de mort. 12
Le soldat, fatigué, d’un sommeil profond dort. 12
Soudain, un son perçant retentit dans la plaine : 12
C’est le clairon guerrier d’une horde germaine. 12
Les Français réveillés se lèvent aussitôt, 12
40 Et de leur ennemi vont repousser l’assaut. 12
Trois fois les Allemands reviennent à la charge, 12
Et trois fois les Français les chassent du village, 12
Mais les envahisseurs, mieux armés, plus nombreux, 12
Au quatrième assaut restent victorieux. 12
45 « Vive le roi Guillaume ! et périsse la France ! » 12
Beuglent-ils en passant le seuil d’une ambulance. 12
Ces soldats veulent-ils devenir assassins ? 12
Maltraiter des blessés ? tuer des médecins ? 12
Vont-ils donc se couvrir d’une honte éternelle ? 12
50 Oui ! Dans ce lieu sacré le sang déjà ruisselle. 12
Ils frappent, les héros, ils vont frapper encor, 12
Quand, à demi vêtu, le médecin-major 12
Apparaît devant eux. Frémissant, il leur crie : 12
« Cessez, lâches, cessez ! c’est une boucherie ! 12
55 Ne connaissez-vous pas ce brassard rouge et blanc ? » 12
Pour réponse, un soldat lui transperce le flanc. 12
Un jeune officier dit : « Feu sur cette canaille ! 12
— Un moment ! arrêtez ! Le soir d’une bataille, 12
Je vous trouvai blessé, je fus votre sauveur, 12
60 Et vous m’assassinez ! murmure le docteur. 12
— Je fais ce que je dois. Ah ! douce est la vengeance ! 12
Réplique l’officier. Mais, en reconnaissance 12
De vos excellents soins, cher citoyen, je veux 12
A vos maux mettre fin. Soldats, ouvrez les feux ! » 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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65 En de si purs héros l’Allemagne est féconde, 12
On ne le sait que trop ; néanmoins elle fonde 12
Sa future grandeur et sa prospérité 12
Sur eux, les défenseurs de la brutalité. 12
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