Métrique en Ligne
VCL_1/VCL4
corpus Pamela Puntel
Henri VALLON-COLLEY
LA PRUSSIADE
OU
LES HAUTS FAITS DE GUILLAUME Ier
ET DE SES ALLIES EN FRANCE 1870-1871
1870-71
Douze poëmes par un Suisse
1871
L’HÉROÏNE DE STRASBOURG
Woe to the conqueror !
Our limbs shall lie as cold as theirs
Of whom his sword berets us,
Ere we forget the deep arrears
Of vengeance they have left us !
Woe to the conqueror !
MOORE.
I
Après une barbare, exécrable victoire, 12
Que la postérité proclamera sans gloire, 12
Les soldats allemands par bataillons nombreux 12
Pénétraient dans Strasbourg, insolents, radieux. 12
5 Les airs guerriers, joyeux, des marches triomphales 12
Se mêlaient aux sanglots, aux pleurs, aux cris, aux râles 12
Des valeureux vaincus, qui de l’antiquité 12
Venaient de surpasser le courage exalté. 12
Soudain, semblant sortir du royaume des ombres, 12
10 Une femme paraît debout sur des décombres. 12
Elle est maigre, elle est pâle, et pourtant son œil bleu, 12
Brillant d’un vif éclat, lance un rayon de feu. 12
De dessous les haillons qui la couvrent à peine, 12
Sans trembler, elle tire un poignard, le dégaîne, 12
15 S’élance dans la rue en s’écriant : « Je veux 12
Faire aussi mon devoir, au moins en tuer deux ! » 12
II
Dans un salon d’hôtel, sablant du pur champagne, 12
Un général badois encense l’Allemagne ; 12
Trois colonels prussiens avec du cru du Rhin 12
20 Boivent à la santé de leur vieux souverain. 12
Ces fiers représentants du pouvoir militaire — 12
On en pourrait douter — sont en conseil de guerre 12
Assemblés, pour juger un traitre ? un déserteur ? 12
Non ! une patriote au mâle et noble cœur. 12
25 Un gigantesque uhlan introduit la coupable, 12
Que le vaillant Badois, d’une voix formidable 12
Apostrophe en ces mots : « Vous avez, sans effroi, 12
Commis un attentat sur des soldats du roi, 12
Vous méritez la mort ! Cependant une chance 12
30 Vous est offerte encor : prenez votre défense ; 12
Mais je vous avertis qu’il vous est défendu 12
D’oublier un instant le respect qui m’est dû. » 12
III
« Monsieur le général, j’avais un heureux père, 12
Deux innocentes sœurs, une pieuse mère, 12
35 Que j’aimais tendrement. Ma famille, en retour, 12
Me prodiguait les soins du plus fervent amour. 12
D’être aimé de quelqu’un qu’on estime, qu’on aime, 12
Du bonheur n’est-ce pas la volupté suprême ? 12
Bref, nous étions heureux. Tout à coup, une nuit, 12
40 La terre est ébranlée, un effroyable bruit 12
Remplit l’air. Des lueurs passent dans le ciel sombre : 12
Des bombes, des boulets et des obus sans nombre 12
Pleuvent de tous côtés. Le lendemain, hélas ! 12
J’appelle mes parents, ils ne répondent pas. 12
45 Des femmes, des enfants, des septuagénaires, 12
Gisent mourants ou morts sous des monceaux de pierres, 12
Et cette œuvre est la vôtre, ô cruels Allemands ! 12
Œuvre non des soldats, mais plutôt de brigands ! » 12
A ces mots le Badois, tout frémissant de rage, 12
50 Va droit à l’accusé et la frappe au visage. 12
L’Alsacienne, alors, de ce lâche bourreau 12
Se venge lui lançant le mot de Waterloo. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le soir du même jour voyait la fin du drame : 12
Six grenadiers prussiens fusillaient une femme, 12
55 Qui, tombant, leur criait : « Vous n’avez pu, vainqueurs, 12
Ni nous déshonorer, ni subjuguer nos cœurs ! » 12
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