Métrique en Ligne
VCL_1/VCL12
corpus Pamela Puntel
Henri VALLON-COLLEY
LA PRUSSIADE
OU
LES HAUTS FAITS DE GUILLAUME Ier
ET DE SES ALLIES EN FRANCE 1870-1871
1870-71
Douze poëmes par un Suisse
1871
UN HORRIBLE GUET-APENS
Le 3 août 1871, à Poligny, près de Dôle, au
pied du Jura, un citoyen ayant (cela pour cause)
tiré sur des dragons prussiens, lesdits dragons
ont passé au galop dans les rues, sabrant sans
miséricorde tous ceux qu’ils rencontraient sur
leur passage.
Résultats : 38 morts et blessés (journaux
français, suisses, anglais, italiens).
Non par un manque de patriotisme, mais dans
l’espoir qu’en agissant ainsi ils prédisposaient
les vainqueurs en faveur de leurs concitoyens,
des Français occupant une position officielle ont
cru devoir ne pas refuser des invitations à eux
faites par des Prussiens d’un certain grade.
.
Grâce à la trahison, à l’incapacité, 12
Au titanique orgueil, à l’immoralité 12
De plusieurs de ses chefs, la France malheureuse 12
Vient de conclure, hélas ! une paix désastreuse. 12
5 Dans les deux camps l’alarme a fini de sonner ; 12
Les canons des rivaux ont cessé de tonner ; 12
Mais parmi les Germains habite encor la haine : 12
De fiel et de venin ils ont tous l’âme pleine. 12
A leurs crimes nombreux, ces horribles bourreaux 12
10 Ajoutent chaque jour quelques crimes nouveaux. 12
I
C’est dans un petit bourg. Le temps est à la pluie. 12
D’un bataillon prussien le gros-major s’ennuie ; 12
Tous ses troupiers aussi. L’ardente garnison 12
Trouve que les vaincus montrent trop de raison, 12
15 Trop de sang-froid, de calme et trop d’indifférence, 12
Lorsqu’on se moque d’eux ou de leur belle France. 12
« De ce sommeil de plomb je veux les réveiller, 12
Sans cela nos fusils vont bientôt se rouiller, 12
Marmotte le major. Il faut qu’une tempête 12
20 Éclate tout à coup, que je donne une fête 12
Aux miens, L’odeur du sang et les cris des blessés 12
Les feront souvenir de leurs exploits passés. 12
En auteur entendu, d’un charmant incendie 12
Je ne veux pas manquer d’orner la tragédie. 12
25 Je ferai, ce soir même, usage d’un moyen 12
Qui me réussira, foi de héros prussien. » 12
II
Minuit sonne à la tour. « Mon Dieu ! que peut donc faire 12
Papa si tard dehors ? Tu sais qu’à ‘ordinaire 12
A pareille heure il est depuis longtemps rentré 12
30 — Mon enfant, dans la rue il aura rencontré 12
Le major allemand, et, comme la prudence 12
Dans ces temps douloureux vaut mieux que la vengeance 12
Il est l’hôte, ce soir, de l’officier prussien, 12
Sans pour cela cesser d’être un bon citoyen ! 12
35 S’il parle à nos vainqueurs, c’est dans un but louable 12
De trahir son pays il serait incapable. 12
— Maman, je sais cela ; mais écoute ceci : 12
Je ne puis supporter de voir entrer ici 12
Cet orgueilleux soldat. Malgré sa politesse 12
40 Et son air distingué, sa présence me blesse. 12
Sous l’élégant vernis de son extérieur, 12
J’en suis presque certaine, il cache un mauvais cœur. 12
Et puis c’est un Prussien ! — Je te comprends, ma fille, 12
Répond la mère ; aussi, pour que notre famille 12
45 Ne soit pas exposée… » Elle n’achève pas. 12
La porte du salon s’ouvre avec grand fracas : 12
Armés de pied en cap, deux formidables reîtres 12
S’avancent en disant : « A vos seigneurs et maîtres, 12
Mesdames, servez vite un succulent soupé, 12
50 Et quelques vieux flacons de champagne frappé. 12
Chez vous nous arrivons comme de lourdes bombes, 12
C’est vrai ; mais, croyez-nous, ô gentilles colombes, 12
En pénétrant ici, notre but seulement 12
Est de nous procurer un peu d’amusement. 12
55 — C’est une lâcheté ! Quoi ! vous, Prussiens, nos maîtres ? 12
Jamais ! Plutôt mourir ! » Et, brisant les fenêtres, 12
La mère et son enfant poussent des cris perçants, 12
appellent au secours. Rares sont les passants. 12
Mais les voisins bientôt sont debout, et la porte 12
60 Cède sous leurs efforts. La bourgeoise cohorte, 12
Comme un flot en courroux, envahit l’escalier, 12
Puis la cuisine, enfin le salon du premier. 12
Là gît, sur le parquet, la malheureuse mère : 12
Pâle de désespoir, de douleur, de colère, 12
65 Sa fille aux arrivants dit : « Les deux assassins 12
Viennent de s’esquiver : deux cavaliers germains. 12
La foule redescend ; elle est exaspérée. 12
Les Prussiens sur la scène alors font leur entrée. 12
Sans gêne, de pouvoir sabrer de tous côtés 12
70 Les hussards de la Mort sont ravis, enchantés. 12
Opprobre ! lâcheté ! ineffaçable honte ! 12
Après une heure, hélas ! sur le pavé son compte — 12
L’histoire le dira — vingt citoyens blessés, 12
Autant de trépassés. 6
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
75 Les hussards de la Mort, montés sur leurs cavales, 12
Paradaient certain jour, lorsque soudain deux balles 12
Passent entre leurs rangs. « C’est mon tour aujourd’hui, 12
Dit un brave Français, Prussiens, je suis celui 12
Dont vous avez un soir, par ordre d’un infâme, 12
80 Tenté d’assassiner et la fille et la femme.» 12
Quelques instants après, sabrant à qui mieux mieux, 12
Les cavaliers teutons hachaient le malheureux. 12
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