Métrique en Ligne
VAL_2/VAL25
Paul VALÉRY
CHARMES
1922
Poésie
Par la surprise saisie, 7
Une bouche qui buvait 7
Au sein de la Poésie 7
En sépare son duvet : 7
5 — Ô ma mère Intelligence, 7
De qui la douceur coulait 7
Quelle est cette négligence 7
Qui laisse tarir son lait ? 7
À peine sur ta poitrine, 7
10 Accablé de blancs liens, 7
Me berçait l’onde marine 7
De ton cœur chargé de biens ; 7
À peine, dans ton ciel sombre, 7
Abattu sur ta beauté, 7
15 Je sentais, à boire l’ombre, 7
M’envahir une clarté ! 7
Dieu perdu dans son essence, 7
Et délicieusement 7
Docile à la connaissance 7
20 Du suprême apaisement, 7
Je touchais à la nuit pure, 7
Je ne savais plus mourir, 7
Car un fleuve sans coupure 7
Me semblait me parcourir… 7
25 Dis, par quelle crainte vaine, 7
Par quelle ombre de dépit, 7
Cette merveilleuse veine 7
À mes lèvres se rompit ? 7
Ô rigueur, tu m’es un signe 7
30 Qu’à mon âme je déplus ! 7
Le silence au vol de cygne 7
Entre nous ne règne plus ! 7
Immortelle, ta paupière 7
Me refuse mes trésors, 7
35 Et la chair s’est faite pierre 7
Qui fut tendre sous mon corps ! 7
Des cieux même tu me sèvres, 7
Par quel injuste retour ? 7
Que seras-tu sans mes lèvres ? 7
40 Que serai-je sans amour ? 7
Mais la Source suspendue 7
Lui répond sans dureté : 7
— Si fort vous m’avez mordue 7
Que mon cœur s’est arrêté ! 7
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