Métrique en Ligne
TST_1/TST3
corpus Pamela Puntel
Tyrtée TASTET
LA PATRIE !
1870
UNE BATAILLE DE L'ARMÉE FRANÇAISE
Quand l'Arabe, accouru des confins de la terre, 12
Du bras d'aucun vainqueur n'ayant senti le poids, 12
Des générations dispersait la poussière, 12
Et courbait sous ses pas les peuples et les rois, 12
5 Quand l'Espagne et l'Afrique, et la Perse et l'Asie, 12
Ployant comme le lis au souffle des autans, 12
Formaient du conquérant la parure choisie, 12
Et peuplaient de houris le palais des sultans1, 12
La terre avec effroi vit dans cet angle immense, 12
10 Où la Loire finit, où l'Océan commence, 12
Serrés comme ces blés que la faux va trancher, 12
Deux peuples, flots géants, l'un sur l'autre marcher. 12
L'un, plus vif que l'éclair, plus prompt que la rafale, 12
Insultant de ses cris et l'Europe et la croix, 12
15 Immense, déroulait son ardente spirale, 12
Et portait dans ses nœuds mille morts à la fois ; 12
L'autre, calme, soutien et pivot de deux mondes, 12
En silence massait ses colonnes profondes : 12
Lugubre et solennel ; nul cri, nul mouvement ; 12
20 Le prêtre, dans les rangs promenant la prière, 12
Unissait tous les cœurs en un soul sentiment, 12
Et le prince à cheval, l'œil haut, la tête fière, 12
Montrait à son pays les hurlants escadrons : 12
La muraille de fer lui répondit : Mourons ! 12
25 Sur un tertre, un instant avant le choc suprême, 12
On vit les chefs rivaux ensemble s'aboucher ; 12
La voix du musulman est brève, et son front blême 12
Agité d'un dépit qu'il a peine à cacher : 12
« Duc2, pour la France écoute, et pour elle examine ; 12
30 » Mon peuple est sans vainqueur, et mon bras est puissant ; 12
» Avant que sous mes coups ton règne se termine, 12
» Soumets l'Europe au glaive, et le Christ au croissant. » 12
— « Émir, répond le prince, abaisse ta voix haute ! 12
» La victoire et l'Arabe ont marché côte à côte 12
35 » Un siècle : c'est assez. Pour briser ton pouvoir, 12
» J'ai pour marteau la France, et pour main, le devoir. 12
» Vous avez tout, beauté, force, grâce, courage, 12
» Les parfums d' Yémen et les femmes du Tage, 12
» L’Égypte pour vous seuls entasse ses moissons, 12
40 » Mais votre espoir finit aux lieux où nous naissons. 12
» Quand je vous vois, sur tous étendant votre empire, 12
» Soumettre à vos destins tout ce que l'homme admire, 12
» Je m'étonne vraiment qu'avec un sort si beau 12
» Vous veniez de si loin pour chercher un tombeau. 12
45 » Comme rugit le Hun, comme sourit Bysance, 12
» Vos enfants pleureront au seul nom de la France, 12
» Car son bras, qui du Nord brisa l'aigle hardi, 12
» Assure même chute au lion du Midi. 12
» Vois ces oiseaux, chasseurs des plaines éternelles, 12
50 » Vers un but ignoré fuyant à tire d'ailes, 12
» Avant la fin du jour tes escadrons nombreux, 12
» Masse informe pour moi, seront butin pour eux. » 12
Il dit, et le soir même, à ses pieds abattue, 12
Respectant de l'Europe et les champs et les lois, 12
55 L'immense Asie en pleurs fuyait jusqu'à sa vue, 12
Et doutait de son Dieu pour la première fois. 12
(1) Ou mieux califes.
(2) Charles Martel. Le fondateur de la dynastie carolingienne ne portait que le titre de Duc des Franks.
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