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« O toi qui sais le miel des paroles sereines, |
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« Jeune Maître, salut ! Je suis un Grec d'Athènes, |
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« Et, si tu lis vraiment dans les cœurs, tu peux voir |
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« Que mon âme eut toujours faim et soif de savoir. |
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« Jadis, sous le Portique et dans l'Académie, |
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« J'ai suivi les leçons des rhéteurs qu'on envie, |
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« Plats bouffons, insulteurs d'eux-mêmes et de tout ; |
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« Mais j'en sortis bientôt, plein d'un triste dégoût. |
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« Depuis, sur le mystère obsédant du grand livre |
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« Penché, j'ai vécu seul, cherchant l'art de bien vivre. |
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« Démocrite, Épicure, Aristote, Zénon, |
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« Grands hommes, dont peut-être ignores-tu le nom, |
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« De leurs enseignements éclairant ma pensée, |
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« Ont aidé puissamment la marcheuse lassée. |
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« Par eux, le jour a lui dans mes yeux plus ouverts ; |
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« D'un plus ferme regard j'ai sondé l'Univers |
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« Et pénétré son âme ; et ma vie, à mesure, |
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« S'est faite toujours plus harmonieuse et pure. |
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« Aujourd'hui, l'on me croit vertueux et savant ; |
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« Je suis riche, et pourtant je suis aimé ; souvent |
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« Plus d'une voix émue a dit sur mon passage |
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« En invoquant pour moi quelque dieu : « C'est un sage ! » |
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« Et, s'il est des heureux, je devrais être heureux ! |
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« Mais tant de nuit encor fait le Sort ténébreux, |
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« J'ai, montant pas à pas vers les choses divines, |
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« Pour un seul fruit cueilli, saigné de tant d'épines, |
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« Qu'un désir, vague encor, gît dans mon cœur meurtri, |
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« Dont, plus fort chaque jour, j'entends gémir le cri. |
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« J'étais hanté déjà par cette obscure idée |
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« Quand, – par hasard, – je vins au pays de Judée. |
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« Tu m'apparus alors, ô Maître, sous les cieux, |
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« Et l'obsédant éclair qui brûle dans tes yeux |
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« A fait qu'où vont tes pas bénis je t'accompagne. |
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« Or, hier, t'écoutant parler sur la Montagne, |
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« Comme je contemplais ton front, d'aurore ceint, |
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« Un grand frisson d'amour a déchiré mon sein. |
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« J'ai contemplé mes jours, et pleuré ma démence, |
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« Car j'ai senti que tous cachaient un vide immense, |
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« Et j'ai pensé : « Je veux le combler dès demain ! » |
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« Mais que me manque-t-il, et quel est mon chemin ? |
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« J'ai beau sonder mon cœur, je le vois noble et juste : |
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« Quel est donc ce regret d'un destin plus auguste ? |
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« Maître, réponds un mot, un mot seul, et j'y crois !.. » |
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