Métrique en Ligne
THL_1/THL33
Raymond de la TAILHÈDE
LES POÉSIES
Édition définitive
1887-1926
LES PREMIÈRES POÉSIES
(1887-1890)
II
LE TOMBEAU DE JULES TELLIER
SOLITUDE
Et voilà que tes yeux profonds se sont fermés. 12
Mais ton âme où vivaient les sages d'Hellénie 12
Garde toujours dans une éternelle harmonie 12
Les poètes pareils à des dieux bien-aimés. 12
5 Vision immobile et pourtant si rapide 12
De cette chambre au bord du fleuve. O souvenir 12
Du soleil éclatant dans le matin limpide ! 12
Je sens la peur de ces heures gui vont venir ! 12
Nous sommes entourés pendant les nuits tremblantes 12
10 De silences aigus et de blancheurs d'effrois, 12
Toi les yeux agrandis et les prunelles lentes, 12
Moi tressaillant au rêve éloigné de ta voix. 12
L'angoisse de la mort prochaine est comme un songe 12
Où le délire a mis de subites clartés : 12
15 Tu vois venir sur la lumière qui s'allonge 12
Tant d'autres jours muets, obscurs, épouvantés ! 12
Toute la vie expire à travers ma pensée • 12
Devant les longs regards de tes grandes douleurs ; 12
La révélation du mystère des pleurs 12
20 Retient une douceur d'espérance effacée. 12
Le silence des yeux s'anime alors de jour 12
Et de la peur de voir les formes disparaître : 12
Tu sentis tout cela soudain et que peut-être 12
Tu mourais pour avoir ressuscité l'Amour. 12
25 Mais au cri de mon nom sur tes lèvres puissantes 12
Quel effroi prophétique a rempli de terreur 12
Ton esprit agité par des choses vivantes, 12
Et combien de regrets s'arrêtent dans ton cœur ! 12
Pleure, toi qui connais la tristesse infinie ! 12
30 Dans la gloire du rêve à jamais disparu 12
Je suis venu vers toi comme tu l'as voulu, 12
Je me suis étendu sur ton lit d'agonie. 12
Et je comprends auprès de toi, sur tes linceuls, 12
Qu'autour de nous la vie humaine se recule, 12
35 Et que tous deux, mort et vivant, nous sommes seuls 12
Dans ce dernier isolement du crépuscule. 12
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