Métrique en Ligne
TAI_1/TAI30
Laurent TAILHADE
Au pays du Mufle
1891
QUELQUES VARIATIONS
POUR DÉPLAIRE A FORCE GENS
Stances pour le nouvel an
La belle dame de Paris 8
Trottine par le brouillard gris 8
Du matin, à pas de souris. 8
Son manchon de loutre ou d’hermine 8
5 Sur son nez rose, elle chemine 8
D’une façon leste et gamine. 8
Le trottoir est un lac gelé 8
Où son talon ensorcelé 8
Semble un papillon sur le blé. 8
10 Point d’atours ni de fanfreluches ; 8
Mais, pour braver les coqueluches, 8
La gamme sombre des peluches. 8
La voilette rouge, sur ses 8
Cheveux d’avoine mal lissés. 8
15 Met des tons de pourpre foncés. 8
Les Clymènes et les Zerlines 8
Sur les potiches zinzolines, 8
Du même air croquent des pralines. 8
La printanière blondeur 8
20 De sa gorgerette a l’odeur 8
Amène de l’Iris-powder. 8
Et son fin museau de belette 8
Rit à souhait pour la palette 8
De Fragonard ou de Willette. 8
25 Depuis le Gymnase, où renaît 8
Chaque soir monsieur George Ohnet, 8
Jusqu’à Peters, on la connaît. 8
Les hommes graves, par centaines, 8
Gantent leurs plus belles mitaines 8
30 Pour escorter ses pretantaines. 8
Et, surgissant on ne sait d’où, 8
Ce vieux coureur de guilledou, 8
Le Soleil, vient baiser son cou. 8
Or, cette dame qui s’avance 8
35 Est celle qui, pour redevance. 8
Nous apporte deuil ou chevance. 8
Au gui l’an neuf ! Le houx en fleur 8
De Christmas à la Chandeleur 8
S’épanouit, ensorceleur. 8
40 Les rois des terres levantines 8
Aux Porcherons chantent mâtines 8
Et subornent les Valentines. 8
La bûche flambe. Au gui l’an neuf ! 8
Tel un oisillon de son œuf. 8
45 L’heure s’échappe. Trois ! six ! neuf ! 8
Douze ! Et la flamme ranimée 8
À travers la rose fumée, 8
Exhale une âme parfumée. 8
L’Espérance donne du cor 8
50 Et, sur l’acier qui vibre encor, 8
Fait tinter son cothurne d’or. 8
Ô madame la jeune année, 8
Par vous me soit encor donnée 8
Une fleur de ma fleur fanée. 8
55 Pour avoir repos et soulas, 8
Faites germer en mon cœur las 8
Le regain des premiers lilas. 8
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