Métrique en Ligne
SSA_1/SSA9
Camille SAINT-SAËNS
RIMES FAMILIÈRES
1890
STROPHES
MODESTIE
À M. René de Récy.
Plus d’un croit à sa victoire, 7
N’étant pas très érudit ; 7
À qui connaît mieux l’Histoire 7
Tout orgueil est interdit. 7
5 Tu pensais, triste éphémère, 7
Atteindre au comble de l’art ! 7
Poète, regarde Homère ! 7
Ou, musicien, Mozart ! 7
À tous ces géants énormes 7
10 Que nous montre le passé 7
Compare tes maigres formes, 7
Ô lutteur bientôt lassé ! 7
Des forces de la Nature 7
Ils ont la fécondité ; 7
15 Ils ont la haute stature, 7
La surhumaine beauté 7
De ces montagnes sublimes 7
Qui sans effort à nos yeux 7
Montrent des fleurs, des abîmes, 7
20 Et la neige dans les cieux. 7
Si nous écrivons trois lignes, 7
L’Univers tout étonné 7
Est averti par des signes 7
Qu’un chef-d’œuvre nous est né. 7
25 Étourdi par le tapage, 7
L’Univers est en arrêt. 7
Le temps souffle sur la page : 7
Le chef-d’œuvre disparaît. 7
On encense des idoles 7
30 Avec les genoux pliés ; 7
Ceux dont on boit les paroles 7
Demain seront oubliés. 7
Ne va pas, toi qui m’écoutes 7
En prenant des airs narquois, 7
35 T’aventurer dans des joûtes 7
Avec les grands d’autrefois ! 7
Tu te verrais, pauvre athlète, 7
Aussi faible qu’un enfant 7
Qui prendrait une arbalète 7
40 Pour combattre un éléphant. 7
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