Métrique en Ligne
SSA_1/SSA7
Camille SAINT-SAËNS
RIMES FAMILIÈRES
1890
STROPHES
À M. GABRIEL FAURÉ
Ah ! tu veux échapper à mes vers, misérable ! 12
Tu crois les éviter. 6
Ils sont comme la pluie : il n’est ni Dieu ni Diable 12
Qui les puisse arrêter. 6
5 Ils iront te trouver, franchissant les provinces 12
Et les départements, 6
Ainsi que l’hirondelle avec ses ailes minces 12
Bravant les éléments. 6
Si tu fermes ta porte, alors par la fenêtre 12
10 Ils te viendront encor, 6
Étincelants, cruels, comme de la Pharètre 12
Sortent des flèches d’or ; 6
Et tu seras criblé de rimes acérées 12
Pénétrant jusqu’au cœur ; 6
15 Et tu pousseras des clameurs désespérées 12
Sans calmer leur fureur. 6
Pour te défendre, Aulète à l’oreille rebelle, 12
Tu brandiras en vain 6
Du dieu Pan qui t’a fait l’existence si belle 12
20 La flûte dans ta main. 6
Elle rend sous ta lèvre experte et charmeresse 12
Un son voluptueux 6
Qui nous donne parfois l’inquiétante ivresse 12
D’un parfum vénéneux ; 6
25 Des accords savoureux, inouïs, téméraires, 12
Semant un vague effroi, 6
Apportant un écho des surhumaines sphères, 12
Inconnus avant toi. 6
Mais l’essaim de mes vers, tourbillonnant, farouche, 12
30 Sur elle s’abattra, 6
Obstruant les tuyaux ; le sens deviendra louche 12
Des sons qu’elle émettra ; 6
Puis, jouet inutile entre tes mains d’athlète, 12
La flûte se taira. 6
35 Ô vengeance terrible et dont l’ingrat poète 12
Le premier gémira ! 6
Car, pour lui, le retour de la rose ingénue 12
Après l’hiver méchant, 6
Après un jour brûlant la fraîcheur revenue 12
40 Ne valent pas ton chant ! 6
logo du CRISCO logo de l'université