Métrique en Ligne
SSA_1/SSA29
Camille SAINT-SAËNS
RIMES FAMILIÈRES
1890
POÉSIES DIVERSES
LA STATUE
Le sculpteur modèle l’argile ; 8
Puis, prenant le marbre indocile, 8
Le pétrit dans sa main habile 8
Avec un patient effort ; 8
5 Ou bien sous sa fière tutelle 8
Il soumet le bronze rebelle : 8
Si la matière en est moins belle, 8
Pour vaincre le temps il est fort ; 8
Et contre ce temps qui le tue 8
10 L’Homme en vain lutte et s’évertue, 8
Quand, bronze ou marbre, la statue 8
Immobile, impassible, voit 8
De son œil fixe et sans prunelle 8
Passer les siècles devant elle 8
15 Et s’avancer l’ombre éternelle 8
Qui sur le passé toujours croît. 8
Tristes autels où se consume 8
Un reste de tison qui fume, 8
Enfoncez-vous dans cette brume 8
20 Où le soleil ne luira plus ! 8
Les dieux meurent : leurs temples vides 8
Sont comme ces déserts arides 8
Où frissonnaient jadis les rides 8
Des grands océans disparus ; 8
25 Mais l’Art a conservé l’image 8
Du dieu que vénérait le mage 8
Et que le fou comme le sage 8
Venait adorer en tremblant : 8
Ce n’est plus le dieu qu’on adore ; 8
30 C’est sa forme vivante encore, 8
C’est la Beauté, divine aurore 8
Sortant, pure, du marbre blanc ! 8
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