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SOU_1/SOU1
corpus Pamela Puntel
Joséphin SOULARY
PENDANT L’INVASION
1871
LE CANTIQUE
DU ROI GUILLAUME
Adveniet sicut latro.
(Nov. Testam.)
I
Dieu des tendres pitiés, Dieu des vertus clémentes, 12
Vois ! — D’un cœur humble et pénitent, 8
Je m’approche de toi, les mains toutes fumantes 12
De ce sang chaud qui te plaît tant ! 8
5 Instrument résigné de ta. sainte colère, 12
Je contemple, — et j'en ai pleuré, — 8
Tes ennemis couchés comme l'épi sur l’aire. 12
Suis-je un fléau selon ton gré ? 8
Cent mille sont tombés à ma droite, à ma gauche ! 12
10 David fit moins, à beaucoup près ; 8
L’homme alors s’égorgeait ; de nos jours il se fauche : 12
Ta loi d’amour est en progrès ! 8
Des nouveaux Philistins j’ai défait la cohorte ; 12
Mais plus avisé que Samson, 8
15 J ’avais renforcé Moltke, — une mâchoire forte, — 12
D’un engin Krupp de ma façon. 8
Ces Francs, fils de Baal, n'ont-ils pas l’impudence 12
De combattre en pleine clarté ? 8
Nous, Seigneur, que tu fis serpents par la prudence 12
20 Et loups par la férocité, 8
Dans le ravin muet, sous la forêt confuse , 12
Nous glissons, furtifs et rampants, 8
Dix contre un ! — Nous fondons par l’éclat de la ruse 12
L’héroïsme du guet-apens ! 8
25 Sous ta bannière même, aux blessés si bénigne, 12
Nous dressons nos pièges de mort. 8
N’a-t-il pas été dit : « Tu vaincras par ce signe ? » 12
Ta parole n’a jamais tort ! 8
II
Qui soutiendra le choc des miens ? — De vos valises 12
30 Qui sondera la profondeur, 8
Der Thann, héros pillard ; Werder, brûleur d'églises ; 12
Von Treskow, gendarme pendeur ? 8
L’épouvante et le deuil vous suivent à la trace ; 12
Mais, Seigneur, quel juste est parfait ? 8
35 Au nom du mal commis je te demande grâce 12
Pour tout le mal qu’ils n'ont pas fait ! 8
Puis-je au moins me flatter que dans ces aventures, 12
Jaloux de l’honneur à gagner, 8
Nous sûmes inventer d'assez neuves tortures ? 12
40 L’Alsace en pourrait témoigner. 8
J’ai rasé sous le feu les chaumières souillées, 12
Et j’ai fait fumer à ton nez 8
Suave encens, la chair des pauvresses grillées 12
Et des paysans calcinés. 8
45 Le lion renaîtrait d’une souche nouvelle ; 12
Pour supprimer le lionceau, 8
Sur les angles des murs j’ai broyé la cervelle 12
Des petits enfants au berceau. 8
Enfin, sanctifiant ainsi l’auguste orgie, 12
50 Dans tes enfers j'ai dépêché 8
Par le viol mortel mainte vierge, rougie 12
De son sang et de son péché. 8
Et voici : j’ai cerné la Babel des barbares ; 12
De sa chute j’attends l’écho, 8
55 Dès que Wagner aura composé les fanfares 12
Qui firent tomber Jéricho. 8
Elle a vécu la ville aux pratiques infâmes ! 12
Et l’ange blême de la faim 8
Dans le dernier soupir de deux millions d’âmes 12
60 Aura dit le mot de la fin ! 8
III
Ta justice, ô Seigneur ! est comme la tortue, 12
Lente, mais sûre d’arriver. 8
La mienne a pris son temps ; ma rancune têtue 12
Mit cinquante ans à la couver. 8
65 Oui, depuis Iéna, je n’ai pu sans souffrance 12
Digérer le rire latin. 8
Digérer est le mot ; s’ils sont tout cœur en France, 12
Chez nous on est tout intestin. 8
Bismarck a des conseils loyaux sur toutes choses ; 12
70 Il me souffla l’avis divin 8
D'envoyer nos enfants, chiens-couchants doux e ; roses, 12
Mendier au pays du vin. 8
Comment se défier de ces souples carrures ? 12
Tout foyer leur fut indulgent. 8
75 Mes chérubins ont pris l'empreinte des serrures : 12
A moi la cave ! à moi l’argent ! 8
O Saint espionnage ! ô fausse clef du traître ! 12
O couteau sournois du poltron ! 8
Grâce à toi, j’accomplis la parole du Maître : 12
80 « J’arriverai comme un larron ! » 8
Si j’ai, dans leurs celliers où l'Aï coule à source, 12
Défonce’ jusqu’au dernier fût ; 8
Si, jusqu’au dernier sou, j’ai cueilli dans leur bourse 12
L’argent , — vil métal s’il en fut, 8
85 Grand Dieu, c'est pour ton bien ! leur luxe était leur crime ; 12
Et les vertus du Germain blond 8
Disent assez la grâce attachée au régime 12
De la choucroûte et du houblon. 8
Marche à présent sans peur, ma Prusse, et t’achemine 12
90 Au Chanaan que tu rêvais ! 8
Car ta race est féconde, et, comme la vermine, 12
Tient de la place et sent mauvais. 8
Va gaiement vendanger cette terre promise ; 12
Mais, dans l’ivresse du raisin, 8
95 Garde-toi d’oublier notre antique devise : 12
« Mon ennemi, c'est mon voisin ! » 8
IV
Impose un frein, Seigneur, à la voix qui me loue ! 12
Fais que mon cœur soit sans détour ! 8
On m’a surnommé l’aigle ! — on me flatte, et j’avoue 12
100 Que je suis à peine un vautour. 8
Donne-moi de braver le dégoût de l’histoire 12
Où, d’un saut, j'entre tout botté. 8
Fi du respect humain ! pour ta plus grande gloire 12
Son mépris n'est-il pas compté ? 8
105 De l'homme après le roi qu’importe ce qui reste, 12
S’il est utile à ton dessein 8
Que le monde amnistie Attila le Funeste 12
Devant Guillaume l’Assassin ? 8
Je sais qu’aux cieux, selon ta promesse formelle, 12
110 J ’aurai place, ô Père infini, 8
Entre mon Augusta, ma pieuse femelle, 12
Et notre Fritz, son fruit béni ! 8
Et pourtant, s’il te plaît de m’éprouver, ordonne ! 12
Puisqu’avec toi j’ai fait hymen, 8
115 Pour toi je souffrirai tout !… — même la couronne 12
D'empereur d’Occident. — Amen ! 8
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