Métrique en Ligne
SIL_5/SIL192
Armand SILVESTRE
LE PAYS DES ROSES
1880-1882
VERS POUR ÊTRE CHANTÉS
LA PLAINTE DE SAPHO
A MADEMOISELLE ROUSSEL.
I
Celui qui passait triomphant 8
Debout dans sa grâce farouche, 8
Sous l'or de ses cheveux d'enfant 8
Dont le flot attirait ma bouche, 8
5 Celui dont la feinte douceur 8
M'atteignit de blessures telles, 8
C'était Phaon le beau chasseur 8
Dont les flèches étaient mortelles ! 8
II
Comme Phœbus, l'archer des cieux 8
10 Dont nul ne fuit la flèche sainte, 8
Il passait, lent et gracieux, 8
Le front couronné d'hyacinthe. 8
Vainqueur, il traînait sur ses pas 8
Mon âme par lui déchirée, 8
15 Et mon sang qu'il ne comptait pas 8
Empourprait sa route sacrée ! 8
III
Pareil au feu de l'Orient 8
Qui monte des bords de la plaine, 8
Il s'était levé, souriant, 8
20 Dans le ciel d'or de Mitylène. 8
O jour pour moi sans lendemain ! 8
De mes yeux cachant la brûlure, 8
Aveugle, j'ai pris son chemin 8
Aux parfums de sa chevelure ! 8
IV
25 Mon cœur ne s'est pas révolté 8
Contre la loi qui porte en elle 8
Que de l'éternelle Beauté 8
Vienne la torture éternelle. 8
Toi qui fis descendre aux enfers 8
30 Mon âme à ton charme asservie, 8
Phaon, les maux que j'ai soufferts 8
Je les pleure et je les envie. 8
V
Car je ne le reverrai plus, 8
O fils rayonnant d'une aurore, 8
35 Et, plus que jamais superflus, 8
Mes cris t'appelleraient encore ! 8
Aux astres déclinants pareil 8
Dont la nuit seule sait le nombre, 8
Tu descendis au flot vermeil 8
40 Où ma plainte évoque ton ombre. 8
VI
Mer aux abîmes infinis, 8
Ainsi qu'autrefois Cythérée, 8
Je pleure un nouvel Adonis 8
Le long de ta route sacrée. 8
45 Ton bruit doucement obsesseur 8
Emporte, en la berçant, ma plainte — 8
Car il est mort, le beau chasseur 8
Au front couronné d'hyacinthe ! 8
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