Métrique en Ligne
SIL_3/SIL98
Armand SILVESTRE
La Gloire du souvenir
1872
VI
J'ai rencontré les cygnes blancs 8
Qui, leurs grandes ailes tendues, 8
Allongeaient vers les étendues 8
Leurs cous nobles et nonchalants, 8
5 — Leurs cous pareils aux bras tremblants, 8
Dont les caresses sont perdues. 8
Leur vol égal et fraternel 8
Battait lourdement l'air qui passe ; 8
Moroses, ils fendaient l'espace 8
10 Où palpite un flux éternel, 8
— Et leur cortège solennel 8
Fuyait sans y creuser de trace. 8
— Changez d'azur, doux exilés ! 8
Désertez à jamais la terre. 8
15 Mais qui vous rendra le mystère 8
Des lacs par la nuit étoilés ? 8
Frères, je vais où vous allez : 8
Emportez mon cœur solitaire ! 8
Un souffle amer nous a meurtris 8
20 Et sa grande aile est déchirée : 8
Celle qui me fut adorée 8
Loin d'elle a chassé mes esprits. 8
— C'est elle qui nous a proscrits, 8
Répondit la troupe sacrée. 8
25 Nos honneurs sont ensevelis : 8
Nous étions la blancheur ailée 8
Dont, un jour, s'était envolée 8
L'auréole des fronts pâlis ! 8
— Nous étions la blancheur des lis 8
30 Et de la neige immaculée. 8
Mais devant son corps enchanté 8
Nos clartés sont des ombres vaines : 8
L'azur frémissant de ses veines 8
Court au bord de son front lacté. 8
35 — Elle est l'immortelle Beauté 8
Faite des choses souveraines. 8
Devant la grâce de ses traits 8
Toutes grâces sont défendues. 8
— Fuyez seuls vers les étendues, 8
40 Doux oiseaux, et mourez après ; 8
Car à ses pieds je volerais 8
Si des ailes m'étaient rendues ! 8
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