Métrique en Ligne
SIL_1/SIL83
Armand SILVESTRE
Les Renaissances
1870
A TRAVERS L'ÂME
Impressions
XXXIV
La Lâche Douleur
À Armand Renaud.
CES fils de notre cœur et ces fils de nos flancs, 12
Les morts, s'ils n'emportaient sous les suaires blancs 12
Que l'avare trésor de nos larmes amères, 12
L'oubli consolerait les amants et les mères. 12
5 Plus longtemps que leur spectre insaisissable et doux, 12
Ce qu'un regret cruel et lâche pleure en nous, 12
C'est la part de notre être en leur être perdue, 12
Que de nous ils tenaient et qu'ils n'ont pas rendue ; 12
C'est la force d'aimer, moins vivace en nos seins, 12
10 Nos rêves envolés dont les vagues essaims 12
S'effarouchent au bruit des funérailles lentes ; 12
C'est notre espoir moins ferme en nos mains plus tremblantes ! 12
C'est nous, — c'est nous tous seuls qu'ils ont abandonnés, 12
Nus sur un sol aride et pareils aux damnés 12
15 Que hante le regret de la vie écoulée. 12
— Cet égoïste effroi de l'âme inconsolée, 12
C'est le mien, et j'en sais la honte et le remords. 12
Car, détournant de moi le deuil lourd de mon être, 12
Je fouille le secret interdit de renaître, 12
20 Ainsi qu'un or maudit, dans la cendre des morts ; 12
Et, penché sur le sol, silencieux, j'épie, 12
Dans les tressaillements de la matière impie 12
La lointaine chaleur et le rythme perdu 12
De mon cœur dans la mort avant moi descendu ! 12
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