Métrique en Ligne
SIL_1/SIL8
Armand SILVESTRE
Les Renaissances
1870
LA VIE DES MORTS
I
LA NATURE
VII
La Neige
On dirait que la Terre a bu le sang des lis 12
Et d'un deuil éclatant voile cette hécatombe, 12
Car déjà la blancheur des marbres clôt la tombe 12
Où dorment pour longtemps ces doux ensevelis. 12
5 Je t'adore, ô pâleur des vierges trépassées 12
Dans l'éblouissement des rêves amoureux, 12
Emportant dans l'azur les essors douloureux 12
De leur âme pareille aux colombes blessées ! 12
Quel vent a flagellé l'aile que tu parais, 12
10 Doux et flottant duvet tombé du vol des anges, 12
Et secoué dans l'air tes floraisons étranges 12
Qui font comme un printemps à l'hibernal cyprès ! 12
Les cygnes se sont-ils heurtés contre la nue, 12
Cherchant aux cieux l'azur de leurs grands lacs fermés ? 12
15 — Ou Psyché, renouant ses voiles parfumés, 12
De ses jeunes candeurs s'est-elle souvenue ? 12
On dirait que la Terre a pitié de nos morts, 12
Et, Vierge devenue au toucher de la neige, 12
Suspend des floraisons le travail sacrilège 12
20 Dans ses flancs qu'au repos invite le remords. 12
O Neige ! tu m'étreins le front sous le mystère 12
De ta froide splendeur et, comme épouvanté, 12
Je pense que, des cieux déchus de leur clarté, 12
Le lait d'une déesse a coulé sur la terre. 12
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