Métrique en Ligne
SIL_1/SIL5
Armand SILVESTRE
Les Renaissances
1870
LA VIE DES MORTS
I
LA NATURE
IV
Les Nuages
Les morts vont vite.
BURGËR.
I
Du front des sources qui, sans trêve, 8
Se lamentent sous les gazons, 8
Vers le ciel bleu des horizons 8
Ils sont remontés, comme un rêve : 8
5 Fils des terrestres éléments, 8
Nés des pleurs éternels de l'onde, 8
Plus haut que ses gémissements 8
Ils ont fui par delà le monde ! 8
Et, sous leurs ailes obscurci, 8
10 L'azur attristé les emporte, 8
Les Nuages, blanche cohorte… 8
— Les Morts légers passent ainsi.— 8
II
S'il est vrai que les morts vont vite, 8
D'où viennent-ils, où s'en vont-ils, 8
15 Ces souffles errants et subtils 8
Qu'une âme vagabonde habite ? 8
Oh ! si vous vivez sans remords, 8
Votre douleur fut éphémère, 8
Vous qui laissez errer vos morts 8
20 Ainsi que des enfants sans mère ! 8
— Les miens ! — j'ai su les retenir 8
Dans mon cœur, jalouse demeure 8
Où chaque matin je les pleure 8
Pour les empêcher de partir. 8
III
25 Pour les empêcher de partir 8
Je leur parle avec vigilance, 8
Je les écoute, — et leur silence 8
Ne lasse pas mon souvenir ! 8
Car l'oubli seul donne des ailes 8
30 Aux morts que nous avons pleurés, 8
Et, si vous êtes immortelles, 8
Âmes, mes sœurs, vous m'attendrez ! 8
La même fange nous rassemble ; 8
Le même azur, Dieu nous le doit ! 8
35 — Quand le nid devient trop étroit, 8
Tous les oiseaux partent ensemble. 8
IV
Aux oiseaux vagabonds pareils, 8
Les nuages, blanche cohorte, 8
Plus haut que l'azur qui les porte, 8
40 Montent-ils vers d'autres soleils ? 8
Par delà les sphères mortelles, 8
Rencontrent-ils des cieux plus beaux ? 8
— Où vont ces Icares nouveaux 8
Fondre la neige de leurs ailes ? 8
45 Tristes de l'éternel souci 8
Que font les choses inconnues, 8
Nous poursuivons le vol des nues… 8
Les Morts légers passent ainsi ! 8
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