Métrique en Ligne
SAM_3/SAM85
Albert SAMAIN
Au Jardin de l'Infante
1893
PROMENADE A L'ÉTANG
Le calme des jardins profonds s'idéalise. 12
L'âme du soir s'annonce à la tour de l'église ; 12
Écoute, l'heure est bleue et le ciel s'angélise. 12
A voir ce lac mystique où l'azur s'est fondu, 12
5 Dirait-on pas, ma sœur, qu'un grand cœur éperdu 12
En longs ruisseaux d'amour, là-haut, s'est répandu ? 12
L'ombre lente a noyé la vallée indistincte. 12
La cloche, au loin, note par note, s'est éteinte, 12
Emportant comme l'âme frêle d'une sainte. 12
10 L'heure est à nous ; voici que, d'instant en instant, 12
Sur les bois violets au mystère invitant 12
Le grand manteau de la Solitude s'étend. 12
L'étang moiré d'argent, sous la ramure brune, 12
Comme un cœur affligé que le jour importune. 12
15 Rêve à l'ascension suave de la lune… 12
Je veux, enveloppé de tes yeux caressants, 12
Je veux cueillir, parmi les roseaux frémissants, 12
La grise fleur des crépuscules pâlissants. 12
Je veux au bord de l'eau pensive, ô bien-aimée, 12
20 A ta lèvre d'amour et d'ombre parfumée 12
Boire un peu de ton âme, à tout soleil fermée. 12
Les ténèbres sont comme un lourd tapis soyeux. 12
Et nos deux cœurs, l'un près de l'autre, parlent mieux 12
Dans un enchantement d'amour silencieux. 12
25 Comme pour saluer les étoiles premières, 12
Nos voix de confidence, au calme des clairières, 12
Montent, pures dans l'ombre, ainsi que des prières. 12
Et je baise ta chair angélique aux paupières. 12
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