Métrique en Ligne
ROS_1/ROS53
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
III
LA MAISON DES PYRÉNÉES
XVIII
TOUT D'UN COUP
Les clartés qui, là-bas, piquant les ombres bleues, 12
Révèlent qu'un menu village, à bien des lieues, 12
Doit au flanc rond de quelque colline s'asseoir, 12
Les clartés, tout d'un coup, que nous voyons, ce soir, 12
5 Du haut d'un col, avant de descendre les rampes, 12
Luire, — et qui sont, là-bas, les chandelles, les lampes, 12
Les feux d'une gaîté, d'un travail, d'un souci, — 12
Ces clartés, tout d'un coup, nous rappellent que si 12
L'on rêve au bord des ciels, on vit au ras des terres ; 12
10 Que si l'on rêve un peu sur les monts solitaires, 12
On vit, dans les vallons, on vit, on vit beaucoup ; 12
De sorte que nos cœurs, oubliant, tout d'un coup, 12
Que les feux du méchant, ses lampes, ses chandelles, 12
Ne font pas, au lointain, des lumières moins belles 12
15 Que les lampes, les feux, les chandelles du bon, 12
Et que l'affreux signal qu'allume un vagabond 12
Et la douce fenêtre au seul rideau de serge 12
Qu'éclaire saintement le coucher d'une vierge 12
Sont deux étoiles d'or identiques, — nos cœurs, 12
20 Pour lesquels, tout d'un coup, ces petites lueurs 12
Ne sont plus, dans la nuit, que d'autres existences, 12
Nos cœurs qui, tout d'un coup, sentent qu'à ces distances 12
Vous ne différez guère, ô pires, des meilleurs, 12
Aiment également tous ces lointains veilleurs ! 12
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