Métrique en Ligne
ROS_1/ROS42
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
III
LA MAISON DES PYRÉNÉES
VII
LE CARILLON DE SAINT-MAMET
Le Carillon de Saint-Manet. 8
Tinte quand d'or le ciel se teinte ; 8
Comme si le soir s'exprimait, 8
Le Carillon de Saint-Manet 8
5 Mystérieusement se met 8
A tinter dans l'air calme… Il tinte, 8
Le Carillon de Saint-Manet, 8
Tinte, quand d'or le ciel se teinte ! 8
Qui plaint-il, qu'est-ce qu'il promet, 8
10 Ce chant de promesse et de plainte ? 8
Plaint-il les gens de Saint-Manet 8
Ou bien nous ?… Est-ce qu'il promet 8
Le pardon du mal qu'on commet 8
Dans l'âpre course où l'on s'éreinte ? 8
15 Qui plaint-il ? Qu'est-ce qu'il promet, 8
Ce chant de promesse et de plainte ? 8
Mon cœur, croyant, qu'on lui parlait, 8
Frissonnait à ce chant qui tinte, 8
Quand j'étais un enfantelet ! 8
20 Mon cœur croyait qu'on lui parlait… 8
Ah ! je voudrais encor qu'il ait 8
Cette délicieuse crainte ! 8
Mon cœur, croyant qu'on lui parlait, 8
Frissonnait à ce chant qui tinte ! 8
25 L'odeur des herbes qu'on brûlait 8
Disait bientôt l'automne atteinte. 8
Une chauve-souris volait. 8
L'odeur des herbes qu'on brûlait 8
Venait jusqu'à notre chalet, 8
30 Et nous avions la gorge étreinte. 8
L'odeur des herbes qu'on brûlait 8
Disait bientôt l'automne atteinte. 8
Levant les yeux de son ourlet, 8
La servante disait : « Il tinte ! » 8
35 Et regardait vers le volet, 8
Levant les yeux de son ourlet ! 8
Ce tintement la consolait 8
D'être à d'humbles choses astreinte. 8
Levant les yeux de son ourlet, 8
40 La servante disait : « Il tinte ! » 8
La femme qui nous vend du lait 8
Se signait mainte fois et mainte ; 8
Vite mettant son capulet, 8
La femme qui nous vend du lait 8
45 Vers la petite église allait ; 8
Et, des morts traversant l'enceinte, 8
La femme qui nous vend du lait 8
Se signait mainte fois et mainte ! 8
Le Carillon de Saint-Manet 8
50 Ne tintait pas mieux qu'il ne tinte ; 8
Mais, alors, comme il nous charmait, 8
Le Carillon de Saint-Manet ! 8
La mère de ma mère aimait 8
L'écouter, la bougie éteinte… 8
55 Le Carillon de Saint-Manet 8
Ne tintait pas mieux qu'il ne tinte. 8
Mais notre vie, alors, coulait 8
Plus profonde d'être restreinte ! 8
Comme un ruisseau sur le galet, 8
60 Ah ! notre vie, alors, coulait ! 8
Nous n'avions qu'un petit valet, 8
Mais qui chantait une complainte… 8
Et notre vie, alors, coulait 8
Plus profonde d'être restreinte ! 8
65 Le volubilis violet 8
Se mêlait à la coloquinte ; 8
L'humble barrière où s'enroulait 8
Le volubilis violet 8
N'était pas encor ce qu'elle est : 8
70 Une belle grille bien peinte ! 8
Le volubilis violet 8
Se mêlait à la coloquinte ! 8
Toute aube sent le serpolet. 8
J'ignorais le mal et la feinte. 8
75 J'avais une âme d'oiselet. 8
Toute aube sent le serpolet. 8
Ah ! si j'avais su qu'il fallait 8
Devenir Alceste ou Philinte ! 8
Toute aube sent le serpolet. 8
80 J'ignorais le mal et la feinte. 8
Le Carillon tintait, fluet ! 8
Au salon de perse déteinte 8
Ma sœur jouait un menuet. 8
Mais, quand tintait le son fluet, 8
85 Le menuet diminuait 8
Pour écouter le son qui tinte… 8
Le son, alors, entrait, fluet, 8
Au salon de perse déteinte. 8
Dieu ! pourrait-on, si l'on voulait, 8
90 Te ravoir, simplicité sainte ? 8
Reboire au premier gobelet ? 8
Le pourrait-on, si l'on voulait ? 8
C'est pourtant d'un oignon bien laid 8
Qu'on revoit fleurir la-jacinthe ! 8
95 Dieu ! pourrait-on, si l'on voulait, 8
Te ravoir, simplicité sainte ? 8
Une étoile se rallumait 8
Sur le val, obscur labyrinthe. 8
Au-dessus de chaque sommet 8
100 Une étoile se rallumait 8
Quand la cloche de Saint-Manet 8
Tintait !… Oh ! si, lorsqu'elle tinte, 8
Une étoile se rallumait 8
Sur la vie, obscur labyrinthe ! 8
105 O Carillon de Saint-Manet, 8
Tinte, quand d'or le soir se teinte ! 8
Dans l'air bleu qui nous le transmet, 8
O Carillon de Saint-Manet, 8
Tinte ce tintement qui met 8
110 Plus de calme en notre âme !… Tinte, 8
O Carillon de Saint-Manet, 8
Tinte, quand d'or le soir se teinte ! 8
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