Métrique en Ligne
ROS_1/ROS41
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
III
LA MAISON DES PYRÉNÉES
VI
LA GLYCINE
A mon balcon cette glycine 8
Tord ses bras fleuris dans le soir, 8
Avec le tendre désespoir 8
D'une princesse de Racine. 8
5 Elle en a la fière langueur 8
Et la mortelle nonchalance ; 8
Et lorsqu'un souffle la balance, 8
Et que le jour traîne en longueur, 8
Et tarde à partir, et recule 8
10 Le déchirement tant qu'il peut, 8
Elle exhale une âme d'adieu, 8
Bérénice du crépuscule ! 8
Le livre glisse de mes mains. 8
Le petit drame se termine. 8
15 « Cruel ! » dit au jour la glycine. 8
Les cieux blessés ont des carmins. 8
Par la haute porte-fenêtre, 8
Mystérieusement, alors, 8
Une des branches du dehors, 8
20 Comme un geste vivant, pénètre. 8
Du frémissant encadrement 8
Ce bras jeune et souple s'échappe ; 8
Et je sens sur mon front la grappe 8
Qu'il laisse pendre tendrement ! 8
25 Tout s'embaume. Et je remercie. 8
Et pour lui dire mon amour, 8
Je donne à la fleur, tour à tour, 8
Le nom d'Esther et d'Aricie. 8
Et je compare, les yeux sur 8
30 Mon livre tombé sans secousse, 8
L'odeur plus forte d'être douce 8
An vers plus ardent d'être pur ! 8
Un divin poison m'assassine ! 8
Et je doute, en le chérissant, 8
35 Si de ma glycine il descend 8
Ou s'il monte de mon Racine ! 8
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