Métrique en Ligne
ROS_1/ROS4
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
I
LA CHAMBRE D'ÉTUDIANT
IV
À LA MÊME
EN LA COIFFANT DE SON ABAT-JOUR
Car, sans lui, tu n'es rien, puisque, sans lui, tu laisses 12
Divaguer ta clarté : 6
Elle est ton âme souple aux trop blondes mollesses ; 12
Il est ta volonté. 6
5 Et je te coiffe donc de l'abat-jour sévère. 12
Il n'a pas de feston ; 6
Mais on voit s'élargir en cône de lumière 12
Son cône de carton. 6
C'est lui qui, sur la table, avec ta clarté d'ambre, 12
10 Forme un cercle clans quoi 6
Tous les rêves flottant aux ombres de la chambre 12
Sont convoqués par moi. 6
Autour de la paroi transparente du cône, 12
Plus d'un monstre hagard 6
15 Vient tourner, attiré par le beau piège jaune, 12
Le flaire, et puis repart. 6
Mais, franchissant le cercle où l'on voit luire, au centre, 12
Le cuivre de ton pied, 6
Plus d'un autre, saisi dans le moment qu'il entre, 12
20 Tombe sur le papier. 6
C'est là qu'ils tomberont, autour du pied de cuivre, 12
Tous ces rêves, en rond ! 6
Et c'est, quand on voudra les obliger à vivre, 12
Là qu'ils résisteront ! 6
25 Car c'est sous l'abat-jour que se dore et se crée, 12
Tremble et se circonscrit, 6
Le champ mystérieux d'une lutte sacrée 12
Sans armes et sans cri. 6
Allons, lampe, venez ! que d'un sage couvercle 12
30 On rabatte vos feux ; 6
Et que sur cette table apparaisse le cercle 12
Humblement merveilleux ! 6
Le cercle se dessine. Attendons que tout dorme ; 12
Puis, forçons, quand tout dort, 6
35 La pensée à venir se battre avec la forme 12
Dans cette arène d'or. 6
C'est pour cela qu'on vit, pour amener, de l'ombre 12
Dans ce rond de lueur, 6
Des rêves… deux ou trois… on ne sait pas le nombre… 12
40 C'est pour cela qu'on meurt. 6
Les couronnes ne sont, que semble, sur les tempes, 12
Un dieu brusque apporter, 6
Que ce qui, du halo quotidien des lampes, 12
A fini par rester. 6
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