Métrique en Ligne
ROS_1/ROS14
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
I
LA CHAMBRE D'ÉTUDIANT
XIV
LA PREMIÈRE
Or, c'est Dieu qui fit la première, 8
Qui façonna son corps si cher 8
Lui-même, dans de la lumière, 8
Et pétrit son exquise chair. 8
5 Il mit sur sa peau de l'aurore 8
Et du soir d'été dans ses yeux, 8
Puis il tissa pour elle encore 8
Le soleil en rayons soyeux. 8
De ses adroites mains divines 8
10 Le bon Dieu sculptait, il dorait. 8
Et déjà le souffle odorait 8
Entre les lèvres purpurines. 8
Déjà l'œil charmant s'entr'ouvrait 8
Comme s'entr'ouvre une pervenche ; 8
15 Et du talon fin à la hanche 8
La ligne onduleuse courait. 8
Pâle aux musiques de l'orchestre 8
Qu'apportaient les vents attiédis, 8
Émerveillant le paradis 8
20 Qui n'était alors que terrestre, 8
Ève s'épanouit, semblant 8
Sous les branches, nue et pudique, 8
Un tel chef-d'œuvre doux et blanc 8
Que le lys murmura : « J'abdique ! » 8
25 Dieu, riant dans sa barbe, dit : 8
« Tu feras le bonheur de l'homme. » 8
Or, c'est elle qui le perdit 8
En lui faisant croquer la pomme. 8
A qui serait-il donc prudent 8
30 D'offrir le cœur et la chaumière ? 8
La première perdit Adam : 8
Et c'est Dieu qui fit la première ! 8
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