Métrique en Ligne
ROS_1/ROS11
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
I
LA CHAMBRE D'ÉTUDIANT
XI
OÙ L'ON RETROUVE PIF-LUISANT
Il bouquinait un vieux Hugo de chez Hetzel 12
Au seuil d'une taverne. Étant de cette race 12
Qui déjeune d'un bock et dîne d'un bretzel, 12
Il m'apparut bien maigre à cette humble terrasse. 12
5 Alors, je l'emmenai dans le soir. Il parlait. 12
Le profond Luxembourg nous ouvrit ses quinconces. 12
Je crois l'entendre encor dans le soir violet 12
Maudire l'esthétisme et les Muses absconses. 12
Je crois le voir encor s'arrêter. — « Mille dious ! » 12
10 Dit-il au promeneur surpris qu'on l'interpelle, 12
« Notre premier devoir est de chanter pour tous ! 12
« Foin d'un art compliqué pour petite chapelle ! 12
« Quand l'importance du cheveu que vous sciez 12
En huit, mes bons seigneurs, n'est pas très bien saisie, 12
15 Pourquoi vous figurer que des initiés 12
Peuvent seuls s'ingérer d'aimer la Poésie ? 12
« Certe, il faut fuir les lourds et stupides moqueurs, 12
Mais craindre, quand on veut écarter le vulgaire, 12
D'y confondre certains qui n'en sont pas, les cœurs 12
20 Qui sentent grandement, s'ils ne comprennent guère. 12
« Aimez ces dédaignés et ces silencieux 12
Qui, les vers déclamés, n'en disent rien de juste, 12
Mais à qui l'on surprend des larmes dans les yeux, 12
Tant ils ont bien senti passer le vol auguste ! 12
25 « Aimez ces ignorants de vos jeux, de leur prix, 12
Et leur simplicité quelquefois justicière ; 12
Et songez qu'après tout ce qu'ils n'ont pas compris 12
Ce n'était, bien souvent, que tours de gibecière, 12
« Ah ! ne préférez pas ces soi-disant experts 12
30 Qui pèsent au carat les beautés précieuses 12
A ces âmes qui pour répercuter les vers 12
Ont la sonorité des âmes spacieuses ! » 12
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