Métrique en Ligne
ROL_3/ROL438
Maurice ROLLINAT
Paysages et Paysans
1899
La Rieuse
Ses rires grands ouverts qui si crânement mordent 12
Sur le fond taciturne et murmurant des prés, 12
Sont métalliques, frais, liquides, susurrés, 12
Aux pépiements d'oiseaux ressemblent et s'accordent. 12
5 Excités par la danse, ils se gonflent, débordent 12
En cascades de cris tumultueux, serrés, 12
De hoquets glougloutants, fous et démesurés, 12
Qui la virent, la plient, la soulèvent, la tordent. 12
On la surnomme la Rieuse. 8
10 La santé la fait si joyeuse 8
Qu'elle vit sa pensée en ses beaux yeux ardents ; 12
Son âme chante tout entière 8
Dans sa musique coutumière, 8
Sur le robuste émail de ses trente-deux dents. 12
15 — « Est-elle heureuse ! » — mais, la triste expérience 12
Vous chuchote sa méfiance : 8
« Ici-bas, tout bonheur est court. 8
Le ver, comme disent les vieilles, 8
Couve aux pommes les plus vermeilles. 8
20 Tôt ou tard, elle aura son tour 8
Dans la tristesse. Quelque jour, 8
Elle ira, funèbre et chagrine, 8
Au long des bois, au bord de l'eau. 8
Alors, ce sera le sanglot 8
25 Qui contractera sa poitrine. 8
Au lieu de leurs pimpants vacarmes, 8
Sur ses lèvres viendront croupir 8
Le silence du long soupir, 8
Le sel âcre et brûlant des larmes. 8
30 Car, ainsi va notre destin : 8
L'illusion flambe et s'éteint. 8
Après l'innocence ravie 8
Le Mal enlacé du remord ! 8
Et l'épouvante de la mort 8
35 Après l'ivresse de la vie ! » 8
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