Métrique en Ligne
ROL_3/ROL373
Maurice ROLLINAT
Paysages et Paysans
1899
Nostalgie de soleil
Quel poèle évoquera le rose des bruyères, 12
Le lézard des vieux murs, la mouche des étangs, 12
Et le petit rayon qui vient, tout le beau temps, 12
Rire au carreau crasseux de la vieille chaumière ? 12
5 Les végétaux chambrés, le fleuri, la verdure 12
De ces jardins vitrés plus chauds que des maisons 12
Et tout le trompe-l'œil des tapis, des tentures 12
Voulant singer les rocs, les arbres, les gazons, 12
Accusent mieux, l'hiver, leur piteuse imposture 12
10 Alors que l'on regrette avec tant de douleur 12
Le soleil qui faisait éclater la couleur, 12
Flamber le verdoîment dans toute la nature ! 12
Hélas ! bien avant l'heure où l'astre roi, l'été, 12
De sa pourpre de sang rend les plaines rougies, 12
15 Dès l'automne déjà s'impose la clarté 12
Des mélancoliques bougies. 8
Tout seul, à leur lueur si blême, 8
On a l'air de veiller un mort. 8
Sans compter que, parfois encor, 8
20 On dirait presque — horreur suprême ! — 8
Que ce défunt-là c'est soi-même. 8
Chaque retour d'hiver cause un frisson nouveau 12
Avec ce jour de crépuscule, 8
Ce sol humide de caveau 8
25 Où nul insecte ne circule 8
Et qui paraît sous l'ombre abaisser son niveau. 12
Au dur tic tac de la pendule 8
Le corps moisit, se caille ainsi que le cerveau. 12
Nos jours plus obscurcis devant le bois qui brûle 12
30 Dévident l'incertain de leur maigre écheveau. 12
Mais que le froid sèche ou s'endorme, 8
Et que le ciel s'allume, alors ! tout se transforme 12
En notre âme, ce sphinx inquiet, noir problème, 12
Louche énigme pour elle-même 8
35 Dans sa prison d'humanité ! 8
Pour cette renfermée, au ténébreux martyre, 12
Le Soleil, c'est le bon sourire, 8
C'est l'œil compatissant de la Fatalité ! 12
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