Métrique en Ligne
ROL_2/ROL298
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES TÉNÈBRES
La Putréfaction
Au fond de cette fosse moite 8
D'un perpétuel suintement, 8
Que se passe-t-il dans la boîte, 8
Six mois après l'enterrement ? 8
5 Verrait-on encor ses dentelles ? 8
L'œil a-t-il déserté son creux ? 8
Les chairs mortes ressemblent-elles 8
À de grands ulcères chancreux ? 8
La hanche est-elle violâtre 8
10 Avec des fleurs de vert-de-gris, 8
Couleurs que la Mort idolâtre, 8
Quand elle peint ses corps pourris ? 8
Pendant qu'un pied se décompose, 8
L'autre sèche-t-il, blanc, hideux, 8
15 Ou l'horrible métamorphose 8
S'opère-t-elle pour les deux ? 8
Le sapin servant d'ossuaire 8
Se moisit-il sous les gazons ? 8
Le cadavre dans son suaire 8
20 A-t-il enfin tous ses poisons ? 8
Sous le drap que mangent et rouillent 8
L'humidité froide et le pus, 8
Les innombrables vers qui grouillent 8
Sont-ils affamés ou repus ? 8
25 Que devient donc tout ce qui tombe 8
Dans le gouffre ouvert nuit et jour ? 8
— Ainsi, j'interrogeais la tombe 8
D'une fille morte d'amour. 8
Et la tombe que les sceptiques 8
30 Rayent toujours de l'avenir, 8
Me jeta ces mots dramatiques 8
Qui vivront dans mon souvenir : 8
« Les seins mignons dont tu raffoles, 8
« Questionneur inquiétant, 8
35 « Et les belles lèvres si folles, 8
« Les lèvres qui baisèrent tant, 8
« Toutes ces fleurs roses et blanches 8
« Sont les premières à pourrir 8
« Dans la prison des quatre planches, 8
40 « Que nulle main ne peut ouvrir. 8
« Mais, quant à l'âme, revit-elle ? 8
« Avec son calme ou ses remords, 8
« Faut-il crier qu'elle est mortelle 8
« Ou qu'elle plane sur les morts ? 8
45 « Je ne sais ! Mais apprends que l'ombre 8
« Que l'homme souffre en pourrissant : 8
« Le cadavre est un muet sombre, 8
« Qui ne dit pas ce qu'il ressent ! » 8
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