Métrique en Ligne
ROL_2/ROL259
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES SPECTRES
La Céphalalgie
À Louis Tridon.
Celui qui garde dans la foule 8
Un éternel isolement 8
Et qui sourit quand il refoule 8
Un horrible gémissement ; 8
5 Celui qui s'en va sous la nue, 8
Triste et pâle comme un linceul, 8
Gesticulant, la tête nue, 8
L'œil farouche et causant tout seul ; 8
Celui qu'une odeur persécute, 8
10 Et qui tressaille au moindre bruit 8
En maudissant chaque minute 8
Qui le sépare de la nuit ; 8
Celui qui rase les vitrines 8
Avec de clopinants cahots, 8
15 Et dont les visions chagrines 8
Sont pleines d'ombre et de chaos ; 8
Celui qui va de havre en havre, 8
Cherchant une introuvable paix, 8
Et qui jalouse le cadavre 8
20 Et les pierres des parapets ; 8
Celui qui chérit sa maîtresse 8
Mais qui craint de la posséder, 8
Après la volupté traîtresse 8
Sa douleur devant déborder ; 8
25 Celui qui hante le phtisique, 8
Poitrinaire au dernier degré, 8
Et qui n'aime que la musique 8
Des glas et du Dies iræ ; 8
Celui qui, des heures entières, 8
30 Comme un fantôme à pas menus, 8
Escorte jusqu'aux cimetières 8
Des enterrements d'inconnus ; 8
Celui dont l'âme abandonnée 8
A les tortillements du ver, 8
35 Et qui se dit : « L'heure est sonnée, 8
Je décroche mon revolver, 8
Cette fois ! je me suicide 8
À nous deux, pistolet brutal ! » 8
Sans que jamais il se décide 8
40 À se lâcher le coup fatal : 8
Cet homme a la Céphalalgie, 8
Supplice inventé par Satan ; 8
Pince, au feu de l'enfer rougie, 8
Qui mord son cerveau palpitant ! 8
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