Métrique en Ligne
ROL_2/ROL183
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES REFUGES
Le petit Lièvre
À Léon Bloy.
Brusque, avec un frisson 6
De frayeur et de fièvre, 6
On voit le petit lièvre 6
S'échapper du buisson. 6
5 Ni mouche ni pinson ; 6
Ni pâtre avec sa chèvre, 6
La chanson 3
Sur la lèvre. 3
Tremblant au moindre accroc, 6
10 La barbe hérissée 6
Et l'oreille dressée, 6
Le timide levraut 6
Part et se risque au trot, 6
Car l'aube nuancée 6
15 N'est pas trop 3
Avancée. 3
L'animal anxieux 6
S'assied sur une fesse ; 6
Et pendant qu'il paresse, 6
20 La brume dans les yeux, 6
Le grand saule pieux 6
S'agenouille et s'affaisse 6
Comme un vieux 3
À confesse. 3
25 N'entend-il pas quelqu'un ? 6
Non ! ce n'est que la brise 6
Qui caresse et qui grise 6
Son petit corps à jeun. 6
Et dans le taillis brun 6
30 Le fou s'aromatise 6
Au parfum 3
Du cytise. 3
Dans le matin pâlot, 6
Leste et troussant sa queue, 6
35 Il fait plus d'une lieue 6
D'un seul trait, au galop. 6
Il s'arrête au solo 6
Du joli hoche-queue, 6
Près de l'eau 3
40 Verte et bleue. 3
Terrains mous, terrains durs, 6
En tout lieu son pied trotte : 6
Et poudreux, plein de crotte, 6
Ce rôdeur des blés mûrs 6
45 Hante les trous obscurs 6
Où la source chevrote, 6
Les vieux murs 3
Et la grotte. 3
L'aube suspend ses pleurs 6
50 Au treillis des barrières, 6
Et sur l'eau des carrières 6
Fait flotter ses couleurs. 6
Et les bois roucouleurs, 6
L'herbe des fondrières 6
55 Et les fleurs 3
Des clairières, 3
L'if qui se rabougrit, 6
Le roc vêtu d'ouate 6
Où le genêt s'emboîte, 6
60 La forêt qui maigrit, 6
La mare qui tarit, 6
L'ornière creuse et moite : 6
Tout sourit 3
Et miroite. 3
65 Et dans le champ vermeil 6
Où s'épuise la sève, 6
Le lièvre blotti rêve 6
D'un laurier sans pareil ; 6
Et toujours en éveil 6
70 Il renifle sans trêve 6
Au soleil 3
Qui se lève. 3
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