Métrique en Ligne
ROL_2/ROL167
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES LUXURES
À l'Insensible
Es-tu femme ou statue ? Hélas ! j'ai beau m'user 12
Par les raffinements inouïs que j'invente 12
Pour forcer ta chair morte à devenir vivante ; 12
J'ai beau me convulser sur ta gorge énervante, 12
5 Tu n'as jamais senti la luxure savante 12
De mon baiser. 4
Ainsi donc, comme un plomb sur la peau du jaguar, 12
Ma passion sur toi glisse, et mes pleurs eux-mêmes 12
Coulent sans t'émouvoir le long de tes mains blêmes ; 12
10 Et quand je te supplie à genoux que tu m'aimes, 12
Je reste épouvanté par les froideurs suprêmes 12
De ton regard ! 4
Rampant comme un aspic, fidèle comme un chien, 12
Je laisse piétiner mon cœur sous ta babouche ; 12
15 Devant l'inconscient sarcasme de ta bouche, 12
Je fléchis mon honneur et ma fierté farouche ; 12
Je me calcine en vain dans l'enfer de ta couche, 12
Ô rage ! — Eh bien, 4
Puisque sur ton flanc nu l'amour me fait beugler, 12
20 Sans que jamais sur toi ma convoitise morde ; 12
Puisque toujours passive et sans miséricorde, 12
Tu veux qu'en tes bras morts et glacés je me torde, 12
Ce soir, de tes cheveux, je vais faire une corde 12
Pour t'étrangler ! 4
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