Métrique en Ligne
ROL_2/ROL146
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES LUXURES
Les Lèvres
À Octave Uzanne.
Depuis que tu m'as quitté, 7
Je suis hanté par tes lèvres, 7
Inoubliable beauté ! 7
Dans mes spleens et dans mes fièvres, 7
5 À toute heure, je les vois 7
Avec leurs sourires mièvres ; 7
Et j'entends encor la voix 7
Qui s'en échappait si pure 7
En disant des mots grivois. 7
10 Sur l'oreiller de guipure 7
J'évoque ton incarnat, 7
Délicieuse coupure ! 7
Ô muqueuses de grenat, 7
Depuis que l'autre vous baise, 7
15 Je rêve d'assassinat ! 7
Cœur jaloux que rien n'apaise, 7
Je voudrais le poignarder : 7
Son existence me pèse ! 7
Oh ! que n'ai-je pu garder 7
20 Ces lèvres qui dans les larmes 7
Savaient encor mignarder ! 7
Aujourd'hui, je n'ai plus d'armes 7
Contre le mauvais destin, 7
Puisque j'ai perdu leurs charmes ! 7
25 Quelle ivresse et quel festin 7
Quand mes lèvres sur les siennes 7
Buvaient l'amour clandestin ! 7
Où sont tes langueurs anciennes, 7
Dans ce boudoir qu'embrumait 7
30 L'ombre verte des persiennes ! 7
Alors ta bouche humait 7
En succions convulsives 7
Ton amant qui se pâmait ! 7
Ô mes caresses lascives 7
35 Sur ses lèvres, sur ses dents 7
Et jusque sur ses gencives ! 7
Jamais las, toujours ardents, 7
Nous avions des baisers fauves 7
Tour à tour mous et mordants. 7
40 Souviens-toi de nos alcôves 7
Au fond des bois, dans les prés, 7
Sur la mousse et sur les mauves, 7
Quand des oiseaux diaprés 7
Volaient à la nuit tombante 7
45 Dans les arbres empourprés ! 7
Mon âme est toute flambante 7
En songeant à nos amours : 7
C'est ma pensée absorbante ! 7
Et j'en souffrirai toujours : 7
50 Car ces lèvres qui me raillent, 7
Hélas ! dans tous mes séjours, 7
Je les vois qui s'entre-bâillent ! 7
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