Métrique en Ligne
ROL_2/ROL124
Maurice ROLLINAT
Les Névroses
1883
LES ÂMES
L'Introuvable
Ton amour est-il pur comme les forêts vierges, 12
Berceur comme la nuit, frais comme le Printemps ? 12
Est-il mystérieux comme l'éclat des cierges, 12
Ardent comme la flamme et long comme le temps ? 12
5 Lis-tu dans la nature ainsi qu'en un grand livre ? 12
En toi, l'instinct du mal a-t-il gardé son mors ? 12
Préfères-tu, — trouvant que la douleur enivre, — 12
Le sanglot des vivants au mutisme des morts ? 12
Avide de humer l'atmosphère grisante, 12
10 Aimes-tu les senteurs des sapins soucieux, 12
Celles de la pluie âcre et de l'Aube irisante 12
Et les souffles errants de la mer et des cieux ? 12
Et les chats, les grands chats dont la caresse griffe, 12
Quand ils sont devant l'âtre accroupis de travers, 12
15 Saurais-tu déchiffrer le vivant logogriphe 12
Qu'allume le phosphore au fond de leurs yeux verts ? 12
Es-tu la confidente intime de la lune, 12
Et, tout le jour, fuyant le soleil ennemi, 12
As-tu l'amour de l'heure inquiétante et brune 12
20 Où l'objet grandissant ne se voit qu'à demi ? 12
S'attache-t-il à toi le doute insatiable, 12
Comme le tartre aux dents, comme la rouille au fer ? 12
Te sens-tu frissonner quand on parle du diable, 12
Et crois-tu qu'il existe ailleurs que dans l'enfer ? 12
25 As-tu peur du remords plus que du mal physique, 12
Et vas-tu dans Pascal abreuver ta douleur ? 12
Chopin est-il pour toi l'Ange de la musique, 12
Et Delacroix le grand sorcier de la couleur ? 12
As-tu le rire triste et les larmes sincères, 12
30 Le mépris sans effort, l'orgueil sans vanité ? 12
Fuis-tu les cœurs banals et les esprits faussaires 12
Dans l'asile du rêve et de la vérité ? 12
— Hélas ! autant vaudrait questionner la tombe ! 12
La bouche de la femme est donc close à jamais 12
35 Que, nulle part, le Oui de mon âme n'en tombe ?… 12
Je l'interroge encore et puis encore… mais, 12
Hélas ! autant vaudrait questionner la tombe ! 12
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