Métrique en Ligne
ROL_1/ROL6
Maurice ROLLINAT
Dans Les Brandes
Poèmes Et Rondels
1877
LES GARDEUSES DE BOUCS
Près d'un champ de folles avoines 8
Où, plus rouges que des pivoines, 8
Ondulent au zéphyr de grands coquelicots, 12
Elles gardent leurs boucs barbus comme des moines, 12
5 Et noirs comme des moricauds. 8
L'une tricote et l'autre file. 8
Là-bas, le rocher se profile 8
Noirâtre et gigantesque entre les vieux donjons, 12
Et la mare vitreuse où nage l'hydrophile 12
10 Reluit dans un cadre de joncs. 8
Plus loin dort, sous le ciel d'automne, 8
Un paysage monotone : 8
Damier sempiternel aux cases de vert cru, 12
Que parfois un long train fuligineux qui tonne 12
15 Traverse, aussitôt disparu. 8
Les boucs ne songent pas aux chèvres, 8
Car ils broutent comme des lièvres 8
Le serpolet des rocs et le thym des fossés ; 12
Seuls, deux petits chevreaux sautent mutins et mièvres 12
20 Par les cheminets crevassés. 8
Les fillettes sont un peu rousses, 8
Mais quelles charmantes frimousses, 8
Et comme la croix d'or sied bien à leurs cous blancs ! 12
Elles ont l'air étrange, et leurs prunelles douces 12
25 Décochent des regards troublants. 8
Pendant que chacune babille, 8
Un grand chien jaune dont l'œil brille, 8
L'oreille familière à leur joli patois, 12
Les caresse, va, vient, s'assied, court et frétille, 12
30 Aussi bonhomme que matois. 8
Et les deux petites gardeuses 8
S'en vont, lentes et bavardeuses, 8
Enjambant un ruisseau, débouchant un pertuis, 12
Et rôdent sans songer aux vipères hideuses 12
35 Entre les ronces et les buis. 8
Or l'odeur des boucs est si forte 8
Que je m'éloigne ! mais j'emporte 8
L'agreste souvenir des filles aux yeux verts ; 12
Et, ce soir, quand j'aurai barricadé ma porte, 12
40 Je les chanterai dans mes vers. 8
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