Métrique en Ligne
ROL_1/ROL5
Maurice ROLLINAT
Dans Les Brandes
Poèmes Et Rondels
1877
LE PETIT CHIEN
Caniche étrange, beau Marquis, 8
Tes poils frisent comme la mousse, 8
Un œil noir aux regards exquis 8
Luit dans ta petite frimousse. 8
5 Tout fier de ta toison de lin, 8
Toujours vif et jamais morose, 8
Tu vas, tapageur et câlin, 8
Offrant ton museau noir et rose 8
Ta prunelle parle et sourit 8
10 Aussi fine que peu traîtresse. 8
Oh ! comme elle est pleine d'esprit 8
Quand tu regardes ta maîtresse ! 8
Ta joie et ton plus cher désir 8
C'est, devant un bon feu qui flambe, 8
15 De sentir sa main te saisir 8
Quand tu lui grimpes sur la jambe. 8
Tu te carres svelte et brillant, 8
Et tu fais frétiller ta queue 8
Quand elle te noue en riant 8
20 Ta petite cravate bleue. 8
Si tu la vois lire, broder, 8
Ou bien faire la couturière, 8
Tu restes sage sans bouder, 8
L'œil mi-clos et sur ton derrière. 8
25 Dans les chambres et dans la cour 8
Tu la suis, compagnon fidèle, 8
Et trottinant quand elle court, 8
Tu ne t'écartes jamais d'elle. 8
Quand elle veut quitter son toit, 8
30 Tu la guettes avec alarmes, 8
Et lorsqu'elle s'en va sans toi, 8
Tu gémis, les yeux pleins de larmes. 8
Mais si tu n'as plus de gaieté 8
Loin de celle dont tu raffoles, 8
35 Comme son retour est fêté 8
Par tes milles gambades folles ! 8
Sur la table, à tous les repas, 8
Devant ton maître peu sévère, 8
Tu fais ta ronde, à petit pas, 8
40 Frôlant tout, sans casser un verre. 8
L'amour ne te fait pas maigrir 8
Près d'une chienne langoureuse ; 8
N'ayant aucun mal pour t'aigrir, 8
Tu trouve l'existence heureuse. 8
45 Ton air mignon et goguenard 8
T'obtient tout ce qui t'affriande, 8
Et tu croques un gros canard 8
Après avoir mangé ta viande. 8
Rien que la patte d'un poulet 8
50 T'amuse pendant des semaines, 8
Et content d'un joujou si laid, 8
Dans tous les coins tu le promènes. 8
Bruyant, lorsqu'on te le permet, 8
Calme, lorsqu'on te le commande. 8
55 Ta turbulence se soumet 8
Sans qu'on use de réprimande. 8
Aussi ton maître te sourit 8
Avec sa gravité si bonne ; 8
Sa douce femme te chérit. 8
60 Et tu fais l'amour de la bonne. 8
Pour moi, que tu reçois toujours 8
Avec des yeux si sympathiques, 8
Je te souhaite de long jours 8
Et de beaux rêves extatiques. 8
65 Cher petit chien pur et charmant, 8
De l'amitié vivant emblème, 8
En moi tu flairas un tourment 8
Dès que tu vis ma face blême. 8
Tes aboiements qui sont des voix 8
70 M'ont crié : « Courage ! Espérance ! » 8
Et tes caresses m'ont dit : « Vois ! 8
Je m'associe à ta souffrance ! » 8
Accepte donc ces pauvres vers 8
Que t'offre un poète malade, 8
75 Et parfois, sur tes coussins verts, 8
Songe à lui comme à ton Pylade. 8
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