Métrique en Ligne
ROL_1/ROL3
Maurice ROLLINAT
Dans Les Brandes
Poèmes Et Rondels
1877
LA LUNE
La lune a de lointains regards 8
Pour les maisons et les hangars 8
Qui tordent sous les vents hagards 8
Leurs girouettes ; 4
5 Mais sa lueur fait des plongeons 8
Dans les marais peuplés d'ajoncs 8
Et flotte sur les vieux donjons 8
Pleins de chouettes ! 4
Elle fait miroiter les socs 8
10 Dans les champs, et nacre les rocs 8
Qui hérissent les monts, par blocs 8
Infranchissables ; 4
Et ses chatoiements délicats 8
Près des gaves aux sourds fracas 8
15 Font luire de petits micas 8
Parmi les sables ! 4
Avec ses lumineux frissons 8
Elle a de si douces façons 8
De se pencher sur les buissons 8
20 Et les clairières ! 4
Son rayon blême et vaporeux 8
Tremblote au fond des chemins creux 8
Et rôde sur les flancs ocreux 8
Des fondrières. 4
25 Elle promène son falot 8
Sur la forêt et sur le flot 8
Que pétrit parfois le galop 8
Des vents funèbres ; 4
Elle éclaire aussi les taillis 8
30 Où, cachés sous les verts fouillis, 8
Les ruisseaux font des gazouillis 8
Dans les ténèbres. 4
Elle argente sur les talus 8
Les vieux troncs d'arbres vermoulus 8
35 Et rend les saules chevelus 8
Si fantastiques, 4
Qu'à ses rayons ensorceleurs, 8
Ils ont l'air de femmes en pleurs 8
Qui penchent au vent des douleurs 8
40 Leurs fronts mystiques. 4
En doux reflets elle se fond 8
Parmi les nénuphars qui font 8
Sur l'étang sinistre et profond 8
De vertes plaques ; 4
45 Sur la côte elle donne aux buis 8
Des baisers d'émeraude, et puis 8
Elle se mire dans les puits 8
Et dans les flaques ! 4
Et, comme sur les vieux manoirs, 8
50 Les ravins et les entonnoirs, 8
Comme sur les champs de blés noirs 8
Où dort la caille, 4
Elle s'éparpille ou s'épand, 8
Onduleuse comme un serpent, 8
55 Sur le sentier qui va grimpant 8
Dans la rocaille ! 4
Oh ! quand, tout baigné de sueur, 8
Je fuis le cauchemar tueur, 8
Tu blanchis avec ta lueur 8
60 Mon âme brune ; 4
Si donc, la nuit, comme un hibou, 8
Je vais rôdant je ne sais où, 8
C'est que je t'aime comme un fou ; 8
O bonne Lune ! 4
65 Car, l'été, sur l'herbe, tu rends 8
Les amoureux plus soupirants, 8
Et tu guides les pas errants 8
Des vieux bohèmes ; 4
Et c'est encore ta clarté, 8
70 O reine de l'obscurité, 8
Qui fait fleurir l'étrangeté 8
Dans mes poèmes ! 4
logo du CRISCO logo de l'université