Métrique en Ligne
ROD_2/ROD203
Georges RODENBACH
Les Vies Encloses
1896
ÉPILOGUE
Ici toute une vie invisible est enclose 12
Qui n'a laissé voir d'elle et d'un muet tourment 12
Que ce que laisse voir une eau d'aspect dormant 12
Où la lune mélancoliquement se pose. 12
5 L'eau songe ; elle miroite ; et l'on dirait un ciel, 12
Tant elle s'orne d'étoiles silencieuses. 12
Ô leurre de ce miroir artificiel ! 12
Apparence ! Sérénités fallacieuses ! 12
Sous la blanche surface immobile, cette eau 12
10 Souffre ; d'anciens chagrins la font glacée et noire ; 12
Qu'on imagine, sous de l'herbe, un vieux tombeau 12
De qui le mort, mal mort, garderait la mémoire. 12
Ô mémoire, par qui même les clairs instants 12
Sont douloureux et comme assombris d'une vase ; 12
15 L'eau se dore de ciel ; le chœur des roseaux jase ; 12
Mais le manque de joie a duré trop longtemps. 12
Et cette eau qu'est mon âme, en vain pacifiée, 12
Frémit d'une douleur qu'on dirait un secret, 12
Voix suprême d'une race qui disparaît, 12
20 Et plainte, au fond de l'eau, d'une cloche noyée ! 12
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