LE VOYAGE DANS LES YEUX |
II |
|
Pourquoi les yeux, étant limpides, mentent-ils ? |
12 |
|
Comment la vérité, dans leur indifférence, |
12 |
|
Meurt-elle en diluant ses frissons volatils ? |
12 |
|
Nul n'en a vu le fond malgré leur transparence |
12 |
5 |
Et ce n'est que cristal fluide, à l'infini, |
12 |
|
Qui toujours se tient coi, l'air sincère et candide. |
12 |
|
Aucune passion, aucun crime ne ride |
12 |
|
Ce pouvoir dangereux d'être un étang uni. |
12 |
|
Ah ! savoir !… s'y peut-on fier, sources de joie, |
12 |
10 |
Quand ils ont l'air d'un peu promettre de l'amour, |
12 |
|
Ou ne sont-ils qu'un clair mirage où l'on se noie ? |
12 |
|
Ah ! savoir !… démêler l'ombre d'avec le jour, |
12 |
|
Et connaître à la fin ce qu'ils peuvent enclore |
12 |
|
Derrière leur surface et derrière leur flore, |
12 |
15 |
Sous leurs nénuphars blancs — frileuse puberté — |
12 |
|
Plus loin, dans le recul de leur ambiguïté. |
12 |
|
En vain veut-on trier le réel du mensonge ; |
12 |
|
Les yeux, nus comme l'eau, resteront clairs aussi, |
12 |
|
Bien que l'âme souvent où, pour savoir, on plonge |
12 |
20 |
Soit une vase au fond de leur azur transi ; |
12 |
|
Mystère de cette eau des yeux toujours placide |
12 |
|
En qui l'âme dépose et si peu s'élucide. |
12 |
|